Un risque de rejet diminué par trois

Les greffes lamellaires se démocratisent

Par
Publié le 27/06/2019
Article réservé aux abonnés
greffe cornée

greffe cornée
Crédit photo : Phanie

Chaque année, plus de 3 500 patients malvoyants bénéficient d'une greffe de cornée. Un geste proposé en cas de baisse d'acuité visuelle liée à des altérations de régularité ou de transparence cornéennes : kératocône, dystrophie endothéliale de Fuchs (pathologie progressive associée à un œdème de la cornée) ou séquelles d'inflammation ou d'infection ayant abîmé la cornée. Le don de cornée s'effectue à partir d’un donneur décédé soit par arrêt cardiaque ou respiratoire persistant, soit en état de mort cérébrale.

Les avancées liées aux greffes lamellaires

Les greffes totales de cornée – réalisées en routine il y a 10 ans — se raréfient. La Fondation A. de Rothschild a été l’un des premiers établissements à proposer une alternative : les greffes lamellaires antérieures et postérieures permettant de remplacer uniquement la partie malade de la cornée. Ainsi, lorsque celle-ci a perdu sa transparence, le chirurgien ne change, désormais, que sa couche postérieure (endothélium), sans modifier le reste de la cornée. Cette greffe lamellaire endothéliale est moins lourde. Elle se fait sous anesthésie locale, en ambulatoire. « Le fait de ne changer que l’endothélium permet de diminuer par 3 les risques de rejet et accélère la récupération postopératoire », indique le Dr Christophe Panthier, chirurgien ophtalmologue à la Fondation A. de Rothschild. Par ailleurs, dans un contexte de pénurie de greffons, la greffe lamellaire permet d'en utiliser un seul pour deux patients. « Il y a deux ans, nous avons également adapté, avec succès, les greffes lamellaires aux jeunes enfants atteints d'opacités congénitales de la cornée », souligne le Pr Eric Gabison, chef de service adjoint dans le service d'ophtalmologie du Pr Isabelle Cochereau à la Fondation A. de Rothschild.

Une chirurgie de précision

La greffe intrastromale, quant à elle, permet de corriger une partie du stroma cornéen à l'endroit où il est déformé ou aminci, sans changer les parties postérieures ou antérieures de la cornée. Autre innovation, les greffes assistées par laser permettent de couper les cornées de manière très précise, même lorsqu'elles sont très fines ou irrégulières. En outre, pour les greffes endothéliales, l'OCT (tomographie par cohérence optique) per opératoire permet de visualiser en direct tel un scanner, l'intérieur de l'œil et, notamment, le greffon endothélial de 10 microns d'épaisseur, enroulé sur lui-même et que le chirurgien doit dérouler sans toucher. « Autre innovation clé, la chirurgie assistée par un système de visualisation en 3D est d'une grande aide pour former les jeunes chirurgiens. Car cela leur permet de voir exactement ce que l'opérateur voit et leur procure une immersion totale dans la chirurgie », explique le Dr Panthier.

De nouvelles technologies prometteuses

La greffe de cornée bénéficie d'une recherche fondamentale féconde. L'herpès cornéen, par exemple, est une des premières causes de cécité d'origine cornéenne. « Or il ne représente que 8 % des greffes car celles-ci sont de mauvais pronostics », affirme le Pr Gabison. Un premier domaine de recherche consiste à modifier génétiquement des greffons cornéens afin qu'il éradique lui-même l'herpès alors que les thérapeutiques actuelles ne font qu'endormir la maladie. Une autre innovation qui devrait aboutir dans moins d'une dizaine d'années consiste à prendre les cellules-souches d'épiderme de peau d'un patient souffrant d'opacité cornéenne pour les transformer en cellules de cornée. « Cette transformation est possible en injectant, dans les cellules-souches, le gène PAX-6 (gène du développement embryonnaire de l'œil). L'expérimentation animale ainsi que des tests de sécurité doivent encore être menés. Si ce projet aboutit, nous pourrons greffer des patients non greffables actuellement, notamment en raison de rejets systématiques », précise le Pr Gabison. Enfin, la Fondation participe à des essais cliniques sur une cornée artificielle biocolonisable, « permettant aux cellules du patient de coloniser la prothèse afin qu'elle s'insère dans le tissu oculaire », conclut le Pr Gabison.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9761