Poppins, le jeu vidéo « dispositif médical » pour aider les enfants Dys

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Publié le 26/03/2024

Développé comme un véritable dispositif médical d’aide à l’apprentissage pour les enfants Dys, Poppins vient de faire l’objet d’une étude clinique dont les résultats ont été présentés en congrès.

Crédit photo : Poppins

Il était une fois un petit chasseur de fantômes bien embêté, car il ne sait pas lequel des six ectoplasmes en face de lui il doit capturer. Par chance, chacun d’entre eux porte une petite étiquette avec un mot, et une voix indique au joueur — car, vous l’aurez compris, nous sommes dans un jeu sur tablette — quel est le mot à déchiffrer et sur lequel cliquer pour gagner des points.

Il existe de nombreux logiciels éducatifs sur le marché pour aider à l’apprentissage de la lecture. Poppins, développé par la start-up éponyme avec l’aide de l’éditeur Ubisoft, a la particularité d’avoir été conçu dès le départ comme un dispositif médical (il dispose d’ailleurs d’un marquage CE) spécifiquement pour aider les enfants atteints de troubles Dys.

Mis au point avec le soutien financier de la banque publique d’investissement BPIFrance, il a fait l’objet d’un essai clinique, ses créateurs visant un remboursement par la sécurité sociale. Les résultats n’ont pas encore été publiés, mais ont fait l’objet d’une présentation lors des journées nationales des Dys en France, à la conférence de la Learning Disabilities Association of America ainsi qu’au Council for Exceptional Children.

Au cours de cette étude pivot, 154 enfants ont été randomisés entre un groupe bénéficiant de 8 semaines d’entraînement sur le jeu, suivi de 8 semaines de suivi post-entraînement, et un autre groupe bénéficiant d’un « jeu placebo » dotés des mêmes éléments visuels mais faisant appel au traitement visiospatial et non aux compétences rythmiques.

Assurer le suivi entre deux séances d’orthophonie

Avant l’entrée dans l’étude, les enfants du groupe Poppins pouvaient lire 101 mots en deux minutes, contre 91 dans le groupe placebo. Huit autres semaines plus tard, l’écart s’était creusé : 120 mots en deux minutes dans le groupe Poppins contre 102 dans le groupe placebo. Une nouvelle étude randomisée d’impact organisationnel est en cours de recrutement et portera sur la prise en charge de 6 000 enfants.

Selon un rapport rendu à l’ARS Normandie en 2017, les troubles Dys sont détectés à l’âge de 6 ans en moyenne, mais il faut 12 à 24 mois d’attente avec un diagnostic établi en moyenne à l’âge de 7 ans et demi, suivi de 3 ans d’attente pour une prise en charge par un orthophoniste. « Les enfants ont alors droit à 45 minutes de séance d’orthophonie par semaine, or les recommandations de bonne pratique du Collège français d’orthophonie préconisent des séances de 10 à 30 minutes, cinq fois par semaine », rappelle la Dr Catherine Grosmaître, responsable du centre de référence des troubles du langage et des apprentissages à l’hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP) qui a participé aux côtés d’autres experts à l’élaboration et à l’évaluation du jeu. Poppins pourrait combler ce manque en proposant des séances à domicile.

Environ 8 % d’une classe d’âge

Les troubles du neurodéveloppement touchent environ 8 % d’une classe d’âge, soit 1,3 million d’enfants en France, avec de nombreux recouvrements d’une pathologie sur l’autre (20 à 40 % des dyslexiques sont aussi dysphasiques, 30 % présentent une dysgraphie, 40 % une dyscalculie, etc.). Face aux besoins, seulement 25 000 orthophonistes très mal répartis sur le territoire. « En 2020, le gouvernement avait annoncé la création de plateformes de niveau 2 dédiées au suivi et au diagnostic des troubles du neurodéveloppement. Nous sommes en 2024 et elles ne sont toujours pas là ! », regrette Nathalie Groh, présidente de la Fédération française des Dys.

« Les études ont montré une corrélation forte entre les troubles Dys et des compétences rythmiques plus faibles, poursuit la Dr Grosmaître. Les rythmes interviennent dans le traitement séquentiel des sons de la parole, ainsi que dans les compétences phonologiques et dans le décodage de la lecture. C’est ce que l’on observe notamment chez les musiciens, qui disposent d’une meilleure mémoire de travail. » Cette étroite association a incité les concepteurs de Poppins à proposer, pour chaque séance, des jeux de lecture suivis de jeux de rythme musicaux.

Chaque jeu dispose de 100 à 200 niveaux pour s’adapter aux joueurs. « Les enfants doivent se baser sur le son, aussi, au bout d’un certain temps d’apprentissage, une brume vient perturber les repères visuels, explique la directrice produit Julie Prieur. En ce qui concerne les jeux d’apprentissage, le logiciel en propose cinq parmi une liste de 15. Si un enfant échoue plusieurs fois de suite au même jeu, ce dernier sera retiré de la liste et proposer à nouveau plusieurs semaines plus tard pour éviter que l’enfant ne s’enferme dans une série d’échecs. »

L’enfant peut ensuite échanger les points gagnés lors des jeux pour personnaliser son avatar. Au bout de 20 minutes de jeu, l’appli se ferme jusqu’au lendemain. Pour rendre l’ensemble encore plus attractif, les concepteurs ont rempli leur jeu de rythme de chansons populaires allant de Kendji Girac aux classiques Disney.

Suivi téléphonique et téléconsultation

Il existe tout un écosystème autour de Poppins, avec une plateforme de suivi des progrès de l’enfant (selon quatre axes : écoute, lecture, écriture et compréhension), un suivi téléphonique et des rendez-vous mensuels en téléconsultation. « Il y a toute une communauté de patients et de professionnels de santé autour de Poppins, témoigne Emmanuelle David, mère d’un enfant Dys utilisant l’application patient. Nous avons des séances de visioconférence tous les mois pour travailler sur l’estime de soi ou sur la communication avec les enseignants. »

Poppins revendique 1 500 familles utilisatrices. En attendant une possible prise en charge par l’Assurance-maladie, un partenariat a été signé avec les mutuelles Abeille, Allianz, Aésio, Pro BTP et Ircem, qui garantit le financement à 17 % des familles utilisant l’application. « À terme, nous visons 70 % d’utilisateurs couverts par nos partenaires tiers payeurs », espère François Vonthron, président de la start-up. L’accès à l’appli nécessite un abonnement dont le prix dépend de la durée d’accompagnement : 26 euros par mois pour un accompagnement de 12 mois, 30 euros pour 6 mois et 39 pour 3 mois. Il est disponible sur tablette, téléphone IOS et Android.


Source : lequotidiendumedecin.fr