Le syndrome Ravine, une maladie orpheline qui ne frappe que les bébés réunionnais

Publié le 31/05/2024

Le syndrome Ravine, d’origine génétique, n’est décrit qu’à La Réunion, avec une naissance par an. Si le diagnostic est évoqué plus facilement depuis sa mise au jour il y a presque trois décennies, la prise en charge n’est pas encore optimale.

Nathan a 14 ans. Il pèse 30 kg et mesure 1,30 m. Il est l'un des rares enfants de La Réunion atteint du syndrome Ravine, acronyme de « Réunionnais, anorexie, vomissements incoercibles et signes neurologiques ». Caractéristique de cette maladie : elle ne frappe que les bébés réunionnais.

Nathan n'a marché que quelques mois dans sa vie. « Aujourd'hui, il se déplace uniquement en fauteuil roulant », confie sa mère Carine, qui préfère ne pas donner son nom de famille.

C'est en 2001 que le Dr François Cartault, aujourd'hui retraité, découvre ce syndrome se manifestant généralement quelques mois après la naissance. « Le bébé commence à rejeter la nourriture et les liquides ingérés. Même la simple vue d'un biberon peut déclencher des vomissements incoercibles », décrit le médecin à l'AFP. Le résultat est dramatique : le nourrisson devient anorexique, sa courbe de croissance, sa taille et son poids sont altérés.

Une naissance par an

Dans le département français de l'océan Indien, où quelque 13 000 enfants voient le jour chaque année, la maladie concerne environ « une naissance par an ». La Dr Valérie Trommsdorff, neuropédiatre au centre hospitalier universitaire Sud Réunion, note que l'hôpital suit actuellement « environ 45 patients atteints de ce syndrome ».

Le syndrome ne laisse pas une longue espérance de vie : un enfant sur deux décède avant ses deux ans. Pour les autres, les symptômes s'aggravent avec l'âge avec « des troubles de l'équilibre, des paralysies, (…), des crises d'épilepsie et des troubles moteurs », recense le médecin.

Plus de 30 ans après la découverte du syndrome Ravine, il n'y a toujours pas de traitement curatif, remarque encore le Dr Cartault. « Mais il existe une prise en charge assez conséquente avec de la kinésithérapie, de l'ergothérapie, un suivi psychologique… », poursuit-il.

Un ancêtre commun

Selon le ministère de la Santé, « tous les Réunionnais atteints du syndrome Ravine auraient un ancêtre commun, né en 1728 ». La maladie se transmet génétiquement. « Si les deux parents sont porteurs sains de l'anomalie, il y a un risque sur quatre que leur enfant soit également atteint », expose le Dr Cartault.

Et le diagnostic peut être particulièrement compliqué. « Nathan avait huit mois lorsque les premiers signes sont apparus. Nous sommes allés voir notre pédiatre. Il nous a dirigés vers l'hôpital. L'enfant a passé une batterie de tests. Ils (les médecins) n'ont rien trouvé, alors ils nous ont renvoyés chez nous », se souvient Carine.

« Nous étions dans l'incompréhension totale », ajoute-t-elle. Dans la culpabilité, aussi, des membres du corps médical rejetant la faute sur Carine et son mari, se souvient la mère de famille. « On m'a dit que je ne le nourrissais pas assez, c'était terrible à entendre », s'attriste-t-elle. De fait, par méconnaissance, les médecins ont d'abord attribué le syndrome Ravine à « un trouble dans la relation mère-enfant » ou au fait que « la mère était trop fusionnelle avec son nourrisson », rappelle le Dr François Cartault.

Depuis « les recherches ont beaucoup évolué », note le praticien, notamment grâce à l'ouverture d'une unité de recherches au CHU Nord dès 1991. « Aujourd'hui, lorsque nous recevons un nourrisson en situation d'anorexie, nous pensons forcément au syndrome Ravine. On va passer une analyse génétique », détaille la Dr Valérie Trommsdorff, ajoutant que de futurs parents peuvent passer des tests pour déterminer s'ils ont des antécédents familiaux de la maladie.

Prise en charge défaillante

La prise en charge de la maladie, en termes d'équipement notamment, n'est en revanche toujours pas résolue.

Carine, la mère de Nathan, dit avoir frappé à « toutes les portes des pouvoirs publics » pour obtenir une « rampe d'accès dans les escaliers de la maison ». « Nous n'avons eu que des refus », rapporte-t-elle.

La famille de Maël, 23 ans, souffrant du syndrome depuis ses 16 mois, a, elle, fait appel à la générosité. En février, elle a ouvert une cagnotte en ligne permettant de financer l'acquisition d'un véhicule adapté « pour permettre à Maël de sortir de la maison », raconte Nathalie, la mère du jeune homme, souhaitant elle aussi rester anonyme. Les donateurs ont été nombreux, permettant l'acquisition d'un véhicule.

Nathan, lui, est accueilli le jour en institut médico-éducatif (IME). Il y sera jusqu'à ses 20 ans. « Il aime voir du monde et sortir », témoigne sa mère.

Avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr