Les étiologies multiples des torticolis

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Publié le 28/03/2024
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La majorité des torticolis de l’enfant sont bénins, mais ne dispensent pas d’un examen complet afin d’éliminer des causes plus rares.

Conseils posturaux et kinésithérapie peuvent être nécessaires

Conseils posturaux et kinésithérapie peuvent être nécessaires
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Le torticolis est une attitude vicieuse et permanente de la tête et du cou par rapport au plan des épaules, comportant une inclinaison et une rotation. Les étiologies sont multiples, incluant des pathologies musculaires, traumatiques, inflammatoires, infectieuses, tumorales ou encore des anomalies médullaires et du système nerveux central. Citons aussi le torticolis d’origine oculaire (strabisme le plus souvent, nystagmus, ptosis…). Une approche pluridisciplinaire est parfois nécessaire.

En pratique, on distingue le torticolis congénital ou acquis. Le caractère aigu ou chronique est également un élément fondamental à connaître, ainsi que les circonstances de survenue (traumatique ou non, fièvre) et la présence, ou non, d’une douleur. Le caractère fébrile doit faire rechercher une pathologie infectieuse, généralement ORL, mais parfois ostéoarticulaire.

L’examen clinique est local et général (ORL, orthopédique et pédiatrique) et un examen neurologique minimal doit être systématique. Le torticolis aigu est a priori traumatique, et justifie une radiographie du rachis cervical face et profil. Suivant le contexte, des examens complémentaires peuvent être nécessaires : bilan biologique (NFS, VS, CRP), scanner, IRM, scintigraphie osseuse.

Torticolis congénital, le plus fréquent

Le torticolis chronique est le plus souvent congénital, postural ou malformatif. « Le torticolis postural toucherait environ 3 % des nouveau-nés. Il est le reflet d’une contrainte intra-utérine. Il faut rechercher une luxation congénitale de la hanche du côté controlatéral (2-29 %). L’évolution est spontanément favorable en quelques semaines », a expliqué la Dr Frédérique Dizin (hôpital Robert-Debré, AP-HP).

Le torticolis musculaire congénital est, quant à lui, dû à une rétraction unilatérale du muscle sternocléidomastoïdien (SCM), associé ou non à une tuméfaction palpable au sein du muscle (olive). La pathogénie est inconnue (trauma, ischémie…). La notion d’accouchement difficile est parfois rapportée (< 50 % des cas). Il peut passer inaperçu à la naissance et se révéler à quelques mois, avec une macération des plis du cou, une rotation permanente de la tête et une plagiocéphalie. 99 % des cas sont bénins. Le traitement associe les conseils posturaux aux parents (solliciter la rotation de l’autre côté) dans un premier temps et la rééducation par kinésithérapie ensuite. « Si le diagnostic n’est pas fait précocement ou si l’évolution n’est pas favorable, le torticolis est alors fixé. Une chirurgie est indiquée dès l’âge de 4 ans : il ne faut pas la faire trop tard car l’asymétrie faciale sera mal corrigée, conseille la Dr Dizin. En postopératoire, l’immobilisation par un corset minerve pendant 6 à 8 semaines est indispensable. »

Le torticolis malformatif est généralement diagnostiqué chez l’enfant plus grand. Des signes généraux peuvent être associés (neurologiques, orthopédiques, cutanés…).

Enfin, la surélévation de la scapula, ou déformation de Sprengel, est une forme rare de « pseudotorticolis » congénital, dont la révélation est parfois tardive, mais bien présente dès la naissance.

Torticolis dû à une infection ostéoarticulaire

Les infections ostéoarticulaires du rachis cervical (spondylodiscite, arthrite infectieuse) sont très rares chez l’enfant. Le torticolis est douloureux, associé à de la fièvre. Il faut éliminer un syndrome de Grisel, torticolis aigu fébrile survenant au cours ou au décours d’une infection ORL.

La prise en charge nécessite toujours un avis spécialisé en orthopédie pédiatrique. « Le diagnostic d’infection ostéoarticulaire est confirmé par IRM ou scintigraphie osseuse. Les prélèvements ont une faible rentabilité ; sauf cas particuliers (drépanocytose, par exemple), les germes incriminés sont Kingella kingae ou Staphylococcus aureus le plus souvent, ou les germes classiques des infections ostéoarticulaires de l’enfant selon leur âge », explique la Dr Dizin.

Pour l’antibiothérapie, l’avis orthopédique et infectieux est systématique : céfazoline 7 à 10 jours IV pour les ostéomyélites, puis relais per os pour 6 semaines au total ; pour les arthrites septiques, sur 5 à 7 jours, puis 3 semaines minimum au total. « Une immobilisation sera mise en place par un corset de façon prolongée pour minimum 6 mois », indique la Dr Dizin.

Le fibromatosis colli : une tumeur rare

« Le fibromatosis colli ou pseudo-tumeur infantile du muscle SCM est une cause rare de masse cervicale bénigne du nourrisson, et est une des causes de torticolis néonatal. Il semble être lié à un hématome du muscle, en rapport avec un traumatisme obstétrical, explique le Pr Nicolas Leboulanger (hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP). Il se présente comme une tuméfaction cervicale ferme, solidaire du SCM, indolore. » L’échographie est l’imagerie de choix. La cytoponction n’est pas indiquée en routine pour confirmer le diagnostic mais met en évidence une prolifération fibroblastique bénigne quand elle est réalisée. La régression est spontanée, et peut être aidée d’une kinésithérapie douce posturale.

Session « Torticolis : regards croisés »

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du Médecin