Une dynamique de recherche

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Publié le 02/07/2021
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Immunologie, pneumologie, dermatologie, pédiatrie : l’allergologie, au carrefour des disciplines, a montré son dynamisme avec des recherches épidémiologiques, mais aussi des progrès diagnostiques, thérapeutiques et dans le décryptage physiopathologique. Explications des spécialistes réunis autour du congrès francophone d’allergologie.
On peut utiliser les fonds de flacons pour faire un prick to prick test chez les sujets ayant présenté une réaction aux excipients

On peut utiliser les fonds de flacons pour faire un prick to prick test chez les sujets ayant présenté une réaction aux excipients
Crédit photo : phanie

« Avec comme fil rouge ‘Le tour du monde des allergies’, l’un des objectifs du congrès était de comparer les manifestations allergiques d’une partie à une autre du globe, en mettant en avant leurs points communs et leurs particularités, grâce à l’éclairage de collègues francophones de tous horizons », explique le Dr Jean-François Fontaine, président de l’Anaforcal (association de formation continue en allergologie) et coprésident du congrès francophone d’allergologie (CFA) avec le Pr Alain Didier, le président de la société française d’allergologie (SFA).

À côté des facteurs culturels et environnementaux, qui varient d’une région à une autre, les différences génétiques, qui peuvent favoriser certaines manifestations allergiques, jouent aussi un rôle dans les variations observées. Plusieurs sessions plénières ont permis des échanges fructueux sur l’épidémiologie mondiale des allergies respiratoires, médicamenteuses et alimentaires, avec notamment un focus sur les maladies allergiques de l’enfant (lire p. 36 et 38).

La théorie hygiéniste se renforce

Les manifestations allergiques respiratoires sont toujours en augmentation dans les pays du monde à fort revenu. Parmi les hypothèses avancées, la théorie hygiéniste, qui met en avant l’importance de l’environnement microbien au cours des premiers mois de la vie sur le développement ultérieur des allergies. Le rôle de l’épigénétique est aussi de mieux en mieux précisé.

Le microbiote, en particulier au niveau pulmonaire et intestinal, est au cœur des travaux de recherche en allergologie et était d’ailleurs au programme de la conférence inaugurale de la dixième édition de la journée ART (Allergy research today), consacrée à la recherche fondamentale et qui précède, chaque année, le CFA. Comme l’a rappelé Marc Daëron, chercheur à l’Institut Pasteur à Paris, les poumons sont tout sauf stériles et on sait aujourd’hui que le microbiote pulmonaire est plus riche en protéobactéries chez les sujets asthmatiques que dans la population générale.

Au niveau intestinal, la diversité microbienne, et surtout son augmentation au cours des 12 premiers mois de la vie, joue un rôle protecteur vis-à-vis du risque ultérieur d’asthme et d’allergie. Les données les plus récentes soulignent l’importance de la réaction dite de sevrage, au moment de la diversification alimentaire, qui stimulerait le système immunitaire sous le contrôle des cellules T régulatrices.

Des progrès diagnostiques et thérapeutiques

Mais le congrès a aussi, comme toujours, permis de couvrir tous les champs de l’allergologie, une spécialité transversale. « Beaucoup de personnes se disent allergiques, ce qui suscite des craintes pour leur santé, rappelle la Dr Ruth Navarro, responsable de la communication du conseil d’administration de la SFA. Il est donc important de bien faire la part des choses, de caractériser les maladies allergiques, ce qui sous-tend de bien les connaître. »

Les possibilités de tests diagnostiques et thérapeutiques, en fort développement depuis 5 ans, constituent une évolution notable, particulièrement chez les enfants ayant des allergies alimentaires (lire p. 39).

À côté des inductions de tolérance alimentaire, qui permettent de modifier le seuil de réactivité, des progrès portent aussi sur les désensibilisations aux venins d’hyménoptères, qui sauvent des vies, et sur les allergies à des médicaments indispensables. Certains protocoles, à renouveler à chaque cycle de traitement, ont été développés afin d’induire une tolérance transitoire et permettre ainsi à des patients de recevoir un traitement essentiel pour leur pathologie, une chimiothérapie par exemple.

Des avancées sont aussi apportées par le recours aux allergènes moléculaires, qui autorisent la recherche de la protéine spécifique en cause dans la réaction et affine le profil de sensibilisation.

Lever quasi tous les interdits à la vaccination Covid-19

Bien sûr, une session a spécialement été dédiée au Covid-19 et à ses conséquences chez les sujets asthmatiques et allergiques, qui se sont posé beaucoup de questions lors de la première vague de l’épidémie puis lors de l’arrivée des vaccins (lire p. 34). Malgré la réassurance des allergologues, des questionnements et des craintes persistent. « Aucun décès par choc anaphylactique n’a été rapporté après un vaccin anti-Sars-Cov-2, dans une vaste enquête européenne, qui a colligé les données issues de 83 centres », souligne la Pr Annick Barbaud, présidente du conseil scientifique du congrès. Seules certaines réactions de grade I ou II, à type d’urticaire, de bronchospasme, parfois de chute tensionnelle, ont été observées.

Dans les vaccins, l’ARNm de la protéine spike est entouré par des nanoparticules lipidiques contenant du polyéthylène glycol (PEG) 2 000. Les vaccins à adénovirus ont quant à eux pour excipient du polysorbate 80, lui aussi de la famille des PEG, bien connus des allergologues. Des réactions sont en effet rapportées avec certaines préparations coliques, biothérapies, chimiothérapies et corticoïdes injectables retard. Chez les sujets ayant présenté une réaction anaphylactique lors de l’utilisation d’un de ces produits, il est possible de faire un test « prick-to-prick », en prenant un fond de flacon de vaccin, afin de ne gâcher aucune dose.

Une hotline a ainsi été ouverte à l’hôpital Tenon afin de répondre aux interrogations et préciser qui doit être adressé en consultation ou téléconsultation d’allergologie.

À côté des personnes ayant fait une réaction anaphylactique aux produits suscités, il faut se limiter à contre-indiquer la vaccination aux sujets ayant réagi à la première injection vaccinale et à ceux ayant des antécédents de choc anaphylactique à répétition et chez lesquels le bilan n’avait pas retrouvé de cause. La vaccination est autorisée en revanche en cas de mastocytose, avec une surveillance de 60 min, et en cas d’antécédent de choc anaphylactique quelle qu’en soit la cause, avec une surveillance de 30 min. L’objectif est de lever pratiquement tous les interdits à cette vaccination, qui constitue une priorité de santé publique.

Exergue 1 : Des protocoles permettent d’induire une tolérance transitoire pour recevoir un traitement essentiel tel qu’une chimiothérapie

Exergue 2 : Aucun décès par choc anaphylactique après un vaccin anti-Sars-Cov-2 n’a été rapporté dans une vaste enquête européenne qui a colligé 83 centres

Entretiens avec la Pr Annick Barbaud, présidente du Conseil Scientifique du CFA, le Dr Jean-François Fontaine, coprésident du CFA, et la Dr Ruth Navarro, responsable communication du conseil d’administration de la SFA

Dr Isabelle Hoppenot
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Source : Le Quotidien du médecin