Les études KBP sont des études épidémiologiques en vie réelle colligeant tous les nouveaux cas de cancer du poumon diagnostiqués sur une année au sein des centres hospitaliers ou apparentés. Répétées tous les 10 ans depuis l’an 2000, avec une méthodologie identique sur chaque édition, elles permettent de faire des comparaisons avec un effet baromètre.
En 2020, 9 000 cas, répartis dans 82 centres, ont été rapportés. Il apparaît déjà que la fréquence du cancer bronchopulmonaire diminue chez les moins de 50 ans, passant de 11 % en 2000 à 4 % en 2020. En revanche, la progression chez les femmes est très nette : elles étaient 16 % en 2000, contre 35 % en 2020.
Traduction des progrès thérapeutiques
Depuis la parution de ces premiers résultats d’inclusion, des données supplémentaires sur la mortalité à un, trois mois, un et deux ans de façon quasi consolidée, ont été étudiées.
Par rapport aux deux décennies précédentes, les courbes de survie se séparent très précocement, à partir de trois mois, avec un écart qui se confirme à un an et continue à se creuser à deux ans. « Le taux de mortalité à un an a nettement diminué, passant de 60 % en 2000 à 45 % en 2020. Cela se confirme à deux ans, avec un taux qui passe de 79 % en 2000, à 74 % en 2010 et 63 % en 2020. La médiane de survie a ainsi quasiment doublé en 20 ans, passant de 9 mois en 2010 à 15 mois en 2020 et ce, grâce aux progrès thérapeutiques (thérapies ciblées, immunothérapie) », détaille le Dr Didier Debieuvre (CHU de Mulhouse), vice-président du Collège des pneumologues des hôpitaux généraux et investigateur-coordinateur de l’étude KBP 2020.
Cependant, le cancer du poumon reste dans l’ensemble de mauvais pronostic, car il est souvent découvert tardivement : « 60 % des patients sont diagnostiqués à un stade métastatique ou disséminé et malheureusement ne sont pas curables, ou ne l’étaient pas avant l’immunothérapie et les thérapies ciblées », déplore le Dr Debieuvre. Aujourd’hui, le taux de survie à un an est de 43 % chez les patients métastatiques, alors qu’à un stade non métastatique, huit patients sur dix sont encore en vie à un an. Ces chiffres soulignent encore, si besoin était, l’intérêt d’un dépistage organisé pour un diagnostic précoce à un stade localisé (lire p. 28).
Les analyses de biologie moléculaire font désormais partie de la routine, pour pouvoir proposer des thérapies ciblées efficaces. Selon l’Inca, elles sont effectuées chez 89 % des patients pour lesquels elles étaient recommandées. Les mutations les plus fréquemment identifiées étaient Kras (49 % des cas) et EGFR (25 %). Les autres mutations, telles que Braf ou ALK, étaient moins fréquentes.
Lourd tribut du Covid
Au moment de la constitution de la cohorte en 2020, les patients n’étaient pas vaccinés contre le Covid. « Il y a eu énormément de décès à trois mois (48,4 %). Le risque était trois fois plus important (HR = 3,24) chez les patients ayant été infectés, ce qui est concordant avec les données de la littérature », souligne l’expert.
L’étude KBP-2020 met aussi en évidence l’effet du cannabis : les fumeurs réguliers (trois joints par jour en moyenne et même quatre chez les moins de 50 ans) représentent 3,6 % de la cohorte, et 28,3 % des moins de 50 ans. « Même si le rôle carcinogène du cannabis n’est pas encore démontré, car les données sont contradictoires, il y a des éléments qui laissent à penser qu’il existe une augmentation de risque du cancer du poumon, qui survient plus précocement chez les sujets usagers de cannabis », explique le Dr Debieuvre.
L’âge moyen au diagnostic est de 73 ans pour un non-fumeur, de 68 ans pour un fumeur de tabac et de 53 ans pour un usager de cannabis. Ces consommateurs sont ainsi exposés à un risque de développer un cancer six fois plus élevé (HR = 6,53) que les fumeurs de tabac seul. En revanche, le risque de décès ne semble pas significativement majoré (HR = 0,85).
Évolution des traitements de 1re ligne
Dans la cohorte de 2020, des différences de prise en charge de première ligne sont apparues entre les tumeurs épidermoïdes ou non.
60 % des patients sont toujours diagnostiqués à un stade métastatique ou disséminé
Les cancers non épidermoïdes de stade localisé font plus souvent l’objet d’une chirurgie : 82 %, vs. 61 % des cancers épidermoïdes. Inversement, la radiothérapie est plus fréquente en cas de tumeurs épidermoïdes (26 %) que lors de tumeurs non épidermoïdes (14 %). Les traitements systémiques (chimiothérapie, immunothérapie) sont aussi plus fréquents dans les cancers épidermoïdes (36 %), de même que les soins palliatifs (8 %), que dans les cancers non épidermoïdes : 26 % et 2 % respectivement.
Les avancées thérapeutiques sont moindres dans les cancers à petites cellules, à l’exception de l’immunothérapie, qui semble apporter un bénéfice modéré chez les patients métastatiques.
60 % des patients sont toujours diagnostiqués à un stade métastatique ou disséminé
Entretien avec le Dr Didier Debieuvre (CHU de Mulhouse)
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