DES AUSTRALIENS viennent de montrer sur une période de plus de trente ans que les troubles psychotiques, en particulier la schizophrénie, sont plus fréquents chez les sujets ayant subi une agression sexuelle dans l’enfance. La période péri-pubertaire est un moment de plus grande vulnérabilité et le risque de psychoses est le plus élevé pour les abus sexuels avec pénétration, c’est-à-dire les viols caractérisés. D’après l’étude australienne, les adolescents victimes d’un viol auraient ainsi un risque de développer un trouble psychotique 15 fois plus élevé que la population générale.
Pour obtenir ces résultats, l’équipe du Dr Margaret Cutajar a analysé les données issues de cas notifiésde’sévices sexuels chez des enfants dans les registres de médecine légale et des services de protection de l’enfance à Victoria. Sur une période de 30 ans, depuis 1957, une cohorte de 2 759 sujets a été constituée : tous déclaraient avoir été victimes d’agression sexuelle avant l’âge de 16 ans et le recours à un psychiatre était retrouvé dans un registre tenu par les services municipaux de santé mentale. Une comparaison était faite avec un groupe témoin apparié sur le sexe et l’âge, dont les troubles mentaux éventuels étaient identifiés de la même façon. Les cas d’agression sexuelle étaient identifiés comme attouchements ou pénétration sur la base des déclarations de l’enfant et des informateurs, celles-ci étant mises en confrontation avec l’examen clinique et les résultats d’analyses biologiques.
Danger entre 12 et 16 ans
Les troubles psychotiques semblent significativement plus élevés chez les enfants ayant subi une agression sexuelle par rapport aux témoins (2,8 % versus 1,4 %) ; ce qui correspond à un risque relatif environ 2 fois plus grand. Parmi ces troubles psychotiques, la schizophrénie est particulièrement représentée (1,9 % versus 0,7 %). Si l’acte était accompagné de pénétration, le risque était encore plus élevé, faisant passer le pourcentage de psychoses à 3,4 % et celui de schizophrénie à 2,4 %. Les risques plus élevés étaient constatés pour les agressions avec pénétration, survenues après l’âge de 12 ans et impliquant plus d’un agresseur, les taux combinés étant de 8,6 % pour la schizophrénie et de 17,2 % pour l’ensemble des troubles psychotiques. Les actes sans pénétration n’augmentaient pas le risque de façon significative. Le fait d’avoir un groupe témoin et de disposer de registres a permis de s’affranchir du biais de réminiscence. Les patients ayant des troubles mentaux peuvent être tentés de réinterpréter et de reconstruire leur enfance afin de trouver un sens à leur état actuel. Sans oublier que rapporter des viols peut parfois être une manifestation de leur maladie.
Ados fragiles ou fragilisés ?
Pour autant, le fait d’avoir été victime d’une agression sexuelle peut-il être la cause de l’installation d’une psychose ? Les auteurs se gardent bien d’apporter une réponse hâtive à cette question. Le fait que l’adolescence soit la période la plus vulnérable peut être interprété de différentes manières. Soit les adolescents en raison des premiers traits relatifs à un processus schizophrénique débutant sont moins à même de se protéger d’un entourage prédateur. Soit une agression sexuelle peut être particulièrement traumatisante à cette étape cruciale dans la vie sociale et sexuelle et entraîner l’éclosion d’un processus psychotique. De plus, il existe un biais dans l’étude dans le sens où la cohorte était sélectionnée chez des individus en contact avec la police et les services sociaux. Il est possible que ces enfants soient issus de milieux défavorisés et de familles ayant des dysfonctionnements. On ne peut ainsi exclure que les sévices sexuels ne soient en réalité que l’indice d’une carence sociale. Néanmoins, alors que les preuves s’accumulent en faveur d’une intervention médicale précoce chez les jeunes schizophrènes, la notion de sévice sexuel en période péri-pubertaire doit être un signe d’appel et faire proposer un accompagnement psycho-social.
Arch Gen Psychiatry, 2010 ; 67(11):1114-1119.
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