EN QUATRE décennies, ce qui s’appelait la radiologie est devenu l’imagerie. Un bouleversement qui a dépassé le changement de terminologie. Avec l’arrivée de l’échographie, du scanner et de l’IRM la prise en charge du patient a été transformée du diagnostic au suivi thérapeutique. « Nous redoutions que l’avènement de trois technologies ne fasse disparaître l’une d’entre elles, raconte le Dr Didier Buthiau (radiologue, Paris, membre de Comités Scientifiques d’Imagerie Oncologique). Nous avons tenté de le gérer pour éviter toute compétition entre elles. Notre objectif était le bénéfice du patient. »
1970-1980, arrivait en France le scanner.
Alors même que Didier Buthiau poursuivait ses études médecine en cancérologie et en ophtalmologie, dans les années 1970-1980, arrivait en France le scanner. « Avec une technologie limitée, il ne s’intéressait au départ qu’au crâne, avec un rôle prédominant en urgences neurologique et neurochirurgicale. »
En pratique, le scanner numérise des images radiologiques standards en transposant une imagerie de superposition en une imagerie de coupes. « Il a simplifié la réflexion du médecin en autorisant les coupes souhaitées, souvent transversales, puis plus tard en 2D et en 3D. C’est un prolongement informatique de la radiologie standard. »
Coincé entre l’essor de l’échographie et de l’IRM, d’aucuns prédisaient la mort du scanner. Elle ne se produira jamais notamment grâce à ses reconstructions multiplans rendues possibles par l’acquisition de données point par point. « On peut naviguer dans un organe ou le regarder de l’extérieur. Le scanner fournit des images précises, lisibles par tous, interprétables et reproductibles. » Il offre un document de référence, notamment pour le suivi. Il supplante sur plusieurs plans l’échographie, prolongement de l’examen clinique, et opérateur-dépendante.
C’est pourquoi le scanner, par ses bilans anatomiques et morphologiques précis, sert quotidiennement au médecin. Il permet d’évaluer le statut de la maladie (ou son absence) et assure la surveillance. Très vite, de façon accessible et reproductible, il donne l’évolution sous traitement. « Ce qui n’était pas attendu est son rôle fonctionnel. Grâce à l’imagerie de perfusion il montre l’évolution d’une lésion. La nécrose, l’angiogénèse ou la multiplication cellulaire, par exemple. »
Avec l’augmentation des capacités informatiques de traitement de l’image est arrivée l’étude virtuelle des organes creux. « Sans utilisation de sonde » insiste Didier Buthiau. Colonoscopie, bronchoscopie, cystoscopie virtuelles… ont vu le jour. L’étude vasculaire en a tiré bénéfice avec l’analyse de la lumière du vaisseau et de sa paroi.
« Ce qui était une image simple, diagnostique, de surveillance ou pronostique acquiert maintenant un rôle dans le dépistage, avec une vision multidimensionnelle. La maîtrise progressive de l’irradiation à faible dose des patients autorise la réalisation d’examens de masse. »
L’IRM n’a pas besoin de reconstruction.
Alors qu’elle semble d’apparition plus récente, la résonance magnétique nucléaire remonte, en fait, aux années 1930. Grâce à Paul Lauterbur, en 1972, elle a connu ses applications en médecine, récompensées du prix Nobel de Médecine en 2003. Contrairement au scanner, l’IRM n’a pas besoin de reconstruction. Elle a pris sa place d’emblée dans les études multiplans. « On lui en demande plus qu’un scanner, explique Didier Buthiau, parce que certains organes apparaissent mieux. Elle détient notamment une place privilégiée en neurologie et dans l’exploration des articulations. »
L’IRM revêt de plus un intérêt précis dans la caractérisation des anomalies : diagnostic étiologique, nature de la lésion, potentiel de risque, pronostic et évolution. Comme c’est le cas pour le scanner, son évolution se fait massivement vers l’imagerie fonctionnelle. De fait, au cours des dernières années, elle s’est dirigée dans plusieurs voies.
Elle a évolué vers l’imagerie de diffusion : l’étude du mouvement des molécules d’eau y offre une analyse corps entier, qui complète le Pet Scan, notamment pour le suivi thérapeutique. Elle est devenue aussi IRM de perfusion, s’intéressant à la microvascularisation focale. L’IRM fonctionnelle, pour sa part, localise et étudie de façon précise certaines fonctions, notamment cérébrales. Quand elle est spectroscopique, elle réalise une étude biochimique in situ. Enfin, dite des faisceaux de connexion, par tractographie cérébrale, elle se penche sur les faisceaux de substance blanche.
« Aucune de ces technologies n’est concurrente des autres. Au contraire, elles peuvent être fusionnées entre elles. »
« L’imagerie est dédiée au service du clinicien pour répondre à ses questions, conclut Didier Buthiau. Elle va dans le sens de l’évolution actuelle d’une médecine et d’un traitement personnalisés. »
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