Névroses, psychoses, troubles anxieux et dépressions, le monde du travail, peu enclin à admettre et reconnaître les fragilités, n’échappe pourtant pas à ces maladies psychiques. Un combat quotidien pour les médecins du travail. « Ces handicaps psychiques doivent, comme toute maladie chronique, faire d’abord l’objet d’un diagnostic précis, pour nous permettre d’accompagner les personnes tout au long de leur parcours professionnel, rappelle la Pr Annie Sobaszek, chef du service de médecine du travail au CHRU de Lille. Conserver une vie sociale et travailler au sein d’un groupe participent à leur stabilité, grandement facilitée par les progrès thérapeutiques récents, qui offrent la possibilité d’ajuster les traitements tout au long de la vie, y compris professionnelle. »
La médecine du travail peut par exemple faciliter les aménagements de poste et l’intégration au sein des équipes. C’est une gestion au cas par cas, de gré à gré, sans contrainte à changer de service ou assumer d’autres tâches. La Pr Sobaszek rappelle cependant une règle d’or : « Ces patients ont besoin de stabilité, d’être rassurés, et nous tentons chaque fois de leur permettre de continuer à travailler dans le même environnement, de mieux répartir les postes au sein de différentes équipes. » Refusant de les isoler, ou de les regrouper, ce qui serait une manière de les stigmatiser ou de les cacher pour mieux les oublier, elle défend l’idée de mieux préparer ces tournants de carrière. Les services de santé au travail ont souvent identifié préalablement un certain nombre de tâches pour faciliter ces reconversions. On peut encore aller beaucoup plus loin, estime la Pr Sobaszek, pour qui le regard collectif bienveillant des collègues à une incidence capitale : « Nous devons préparer l’environnement de travail, expliquer et rassurer les collaborateurs et les directions des ressources humaines, qui doivent aussi jouer le jeu. »
Un statut protecteur
Officialiser le statut de travailleur handicapé protège les salariés souffrant de pathologies mentales chroniques, qu’il convient de bien distinguer de ceux qui perdent pied un temps, par exemple à cause de responsabilités trop grandes ou de contraintes managériales trop fortes. Selon la Pr Sobaszek, « il convient surtout de trouver des tâches que ces personnes en difficultés pourront remplir. Pas question de prendre le risque de les mettre en échec, et nous nous tournons naturellement vers les instances d’insertion, qui jouent un rôle évident dans la réussite de ces aménagements, qui méritent d’être encore mieux acceptés par tous ».
Le risque de licenciement puis de chômage est bien réel dans le monde de l’entreprise, où les rapports avec les employeurs peuvent devenir musclés, malgré les quotas réglementaires d’emplois réservés aux personnes handicapées.
Au-delà de cette obligation réglementaire, dans la fonction publique la protection s’exerce pour les fonctionnaires, sans que ceux-ci soient nécessairement reconnus comme travailleurs handicapés. Par exemple à l'hôpital, si le quota de 6 % de personnes handicapées dans les effectifs n’est pas rempli en apparence, dans les faits il serait dépassé de loin, semble-t-il. « Des reclassements de soignants vers des activités logistiques offrent à ces personnels la possibilité d’apporter leurs compétences, affirme la Pr Sobaszek. Mais ces aménagements restent le peu de luxe des médecins du travail qui exercent dans la fonction publique ».
Entretien avec la Pr Annie Sobaszek, enseignante en médecine et santé au travail à l’université Lille 2 et cheffe du service de médecine du travail au CHRU de Lille
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