Quoique les besoins « sexuels/intimes » varient considérablement selon les individus, informer sur les impacts des maladies et des traitements et s’informer sur leurs besoins devraient faire désormais partie des parcours de soins, dès l’annonce. Si les freins sont bien connus, les solutions restent encore mal cernées.
Ainsi, d’après le Dr Pierre Bondil, urologue, oncologue et sexologue au centre hospitalier de Chambéry, alors que la stratégie nationale de santé sexuelle (2017-2030) inscrit dans ses objectifs la prise en compte de la sexualité en cas de maladie chronique (cf. encadré), la préservation ou le rétablissement de la santé sexuelle devrait s'inspirer de l’oncologie : « de façon inattendue, le cancer peut servir de modèle pour toutes les maladies chroniques, car la préservation de la qualité de la vie était déjà une priorité des précédents plans cancer. S'occuper de la vie intime et de la santé sexuelle fait d’ailleurs partie de la nouvelle stratégie décennale 2021-2030 ».
Savoir poser la question
Les enquêtes nationales « La vie après le cancer » ont montré la prévalence élevée des troubles sexuels, la durée de leurs impacts négatifs, la forte demande des malades et la faiblesse des réponses. L’originalité de l’oncologie a été de positionner clairement la sexualité comme nouvelle offre et compétence en soins oncologiques de support. Toute une organisation a alors été mise en place, avec une approche graduée, des centres référencés, des référentiels, des plateformes ressources, des formations spécifiques, des outils d’information et de sensibilisation, etc.
En cas de maladie chronique, la question doit aussi être posée au patient pour dépister ses besoins et une éventuelle souffrance. « Il faut remettre le patient au centre de nos préoccupations et lui proposer un parcours de soins lisible et coordonné sans points de rupture. La santé sexuelle ne peut plus être isolée de la santé mentale et physique, car les trois sont interdépendantes et intriquées, souligne le Dr Bondil. Si vous avez un cancer mais que vous êtes en dépression (près de 20 % des cas), vous risquez de fumer davantage, d’avoir une mauvaise hygiène de vie, de moins bien suivre vos traitements et au final, vous aggravez votre cancer et votre dépression, avec de surcroît, une baisse de la libido et de possibles tensions dans le couple ».
Le concept des soins de support encore méconnu
« Les progrès oncologiques (et sexologiques) ont eu comme conséquence inattendue de changer le regard médical et de faire prendre au sérieux les difficultés sexuelles et intimes liées aux cancers et à leurs traitements. Prévenir et corriger, si besoin, les effets négatifs font désormais partie du soin oncologique quotidien, tout au long des parcours de soins et de vie au titre des soins de support, mais aussi d’optimisation de son traitement », explique le sexologue. Les soins de support se sont structurés en oncologie. « Même si des améliorations sont encore attendues, tout ce qui a été fait en santé sexuelle pour le cancer pourrait parfaitement s'appliquer aux patients atteints de maladies chroniques ou de handicap », affirme-t-il.
La réalité est qu’en cas de maladies chroniques ou de handicap, les besoins en santé sexuelle et vie intime sont, sauf exceptions, largement non satisfaits : en effet, malgré ses bénéfices prouvés, le concept des soins de support est méconnu (en dehors de l’oncologie) et l’offre est totalement inorganisée et peu visible. « Ce sera la thématique de notre prochain congrès de l'Association interdisciplinaire post-universitaire de sexologie (AIUS)*, en mars 2022 », annonce le Dr Bondil.
*Les journées francophones de santé sexuelle et de sexologie de l'AIUS auront lieu à Montpellier du 17 au 19 mars 2022
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