Quelles sont les répercussions d’un cancer du sein sur le couple ? Pour répondre à cette question, la Dr Laurence Vanlemmens, oncologue au Centre Oscar Lambret à Lille, s’est appuyée sur les résultats des études Kalicou 1, 2 et 3, menées depuis 2007 pour évaluer les besoins de femmes jeunes atteintes d’un cancer du sein – moins de 45 ans au moment du diagnostic et en couple depuis au moins 6 mois à la date de l’entretien – ainsi que les besoins de leur conjoint.
Des répercussions psychologiques pour les deux partenaires
Les femmes ayant participé à l’étude étaient réparties en quatre groupes, selon leur traitement : sous chimiothérapie, sous trastuzumab, sous hormonothérapie ou sous surveillance. L’étude Kalicou était qualitative, et a porté sur des entretiens individuels non dirigés. « Des difficultés psychologiques, familiales, physiques, professionnelles et sociales sont retrouvées chez les deux conjoints et perdurent dans le temps, surtout chez les femmes, de façon importante, mais parfois avec des décalages : par exemple, lorsque la femme est de retour à la maison avec une hormonothérapie, prendre son comprimé lui rappelle qu’elle est toujours dans la maladie alors que son conjoint peut être passé à autre chose », note la Dr Vanlemmens.
Sont aussi éprouvées, par les deux partenaires, des difficultés de communication dans le couple. Sur le plan psychologique, les plaintes communes portent sur l’anxiété, la fatigue, les troubles du sommeil, la notion d’épée de Damoclès et de crainte de la récidive, le sentiment de culpabilité, les changements dans les projets, avec une autre vision de l’avenir, des changements dans les priorités de vie. « Les patientes évoquent beaucoup les changements d’estime de soi et de caractère. Leur partenaire, plutôt un sentiment d’impuissance et l’impression d’être spectateur », complète l’oncologue. Beaucoup ressentent également l’inquiétude par rapport aux enfants et au caractère éventuellement héréditaire du cancer ou la peur de ne pas (ou plus) en avoir.
Dans la dimension physique, l’altération de l’image corporelle, la perte de la féminité et la douleur touchent davantage les femmes malades, alors que le partenaire se plaint plutôt de fatigue physique et morale en raison des nouvelles tâches qui lui incombent. Sur le plan social, il peut y avoir de nouvelles amitiés, comme des éloignements avec, parfois, des situations d’isolement. Sur le plan professionnel, sont notés une baisse de l’investissement, un changement du rythme de travail, voire un changement de poste ou un arrêt de travail pour les patientes. S’y ajoute parfois la dimension économique avec des soucis de revenus.
Les femmes plus affectées dans le domaine de la sexualité
Le domaine de la sexualité est toujours évoqué de façon négative par les femmes dans Kalicou : sous chimiothérapie, leurs plaintes portent sur la fatigue et l’absence d’envie. Sous trastuzumab, les douleurs et l’absence d’envie sont au premier plan. Sous hormonothérapie, c’est encore l’absence d’envie et des problèmes au niveau de la poitrine, qui priment. Chez le partenaire, l’absence d’envie se limite au temps de la chimiothérapie : s’il se prolonge, il attribue l’arrêt des rapports à sa partenaire malade. L’étude Kalicou, sous forme de questionnaire, conforte ces résultats. « Pendant la chimiothérapie, les difficultés sont présentes chez les deux partenaires, même si elles sont plus importantes chez les patientes. Mais, quand la patiente est sous hormonothérapie, de nombreux couples sont en désaccord, la patiente rapportant plus de difficultés que son conjoint. Enfin, au moment de la surveillance, cela dépend : un groupe de couples est en accord et l’autre en désaccord. Quand c’est le cas, c’est la patiente qui rapporte plus de difficultés sexuelles », note la Dr Vanlemmens.
Enfin, selon les résultats préliminaires de l’étude longitudinale Kalicou 3, menée auprès de 29 centres et 400 couples, plus les compétences émotionnelles sont élevées — c’est-à-dire la capacité d’identifier et de comprendre, d’exprimer, de réguler et d’utiliser nos propres émotions et celles d’autrui — et moins le vécu d’émotions négatives est important. « Il est donc essentiel de détecter précocement les difficultés rencontrées par les patientes et leur partenaire tout au long du parcours de soin, de mieux cerner les facteurs prédictifs des difficultés rencontrés par ces couples, de personnaliser les interventions de prise en charge et de mettre en œuvre des interventions axées sur le couple », a conclu la Dr Vanlemmens.
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