La saisonnalité du Covid-19 fait toujours débat

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Publié le 17/10/2022

Crédit photo : PHANIE

La Covid-19 fait maintenant durablement partie du paysage, mais quelle sera sa saisonnalité ? Savoir quel est le poids respectif des différents facteurs influençant l'intensité de la circulation du Sars-CoV-2 fait débat. La question est capitale pour notre capacité à anticiper les futurs pics épidémiques. Si les facteurs saisonniers tels que la température ou l'humidité se révèlent prépondérants, alors les poussées épidémiques n'en sont que plus prévisibles, calées sur des prévisions météorologiques. A contrario, si ce sont des facteurs autres comme le taux de vaccination ou les comportements humains, les prédictions sont plus incertaines.

Des chercheurs de Yale ont estimé dans un article publié en juin dans « Nature Communications » que les facteurs météorologiques (humidité, température et rayonnement UV) comptaient pour 17,5 % du nombre de reproduction du Sars-CoV-2. En juin 2021, une équipe de l'Imperial College de Londres a, quant à elle, estimé que la mobilité humaine était le facteur le plus important expliquant la dynamique d'une épidémie.

Une analogie avec les autres coronavirus ?

Les biostatisticiens de l'université de Yale, eux, défendent un scénario dans lequel les facteurs climatiques jouent un rôle de tout premier plan. Ils prédisent au Sars-CoV-2 un avenir identique à celui des autres coronavirus respiratoires (HCoV-229E, HCoV-NL63, HCoV-OC43 et HCoV-HKU1).

Dans une étude prépubliée sur medRxiv, ils ont établi des prévisions concernant le Sars-CoV-2 en se basant sur les données de long terme d'incidence et de circulation des coronavirus historiques dans l'hémisphère nord, issues de 14 études. « Nous avons basé notre analyse sur l'incidence des coronavirus pour lesquels nous avons des années de recul afin d'éviter les biais inhérents aux années d'émergence du Sars-CoV-2 et des interventions massives des états pour lutter contre l'épidémie », justifient-ils. Ces données provenaient de Corée du Sud, et des villes de New York, Denver, Tampere (Finlande), Tr ndelag (Norvège), Gothenburg (Suède), Stockholm, Amsterdam, Pékin, Yamagata (Japon), Hong Kong, Nakon Si Thammarat (Thaïlande), Guangzhou (Chine) et Sarlahi (Népal).

Ils ont ensuite pris en compte le niveau de dérive génétique entre ces coronavirus et le Sars-CoV-2, ainsi que les données épidémiologiques sur l'incidence des différents variants de Sars-CoV-2 en fonction de la température et de l'humidité. Selon leurs projections, ils s'attendent à des émergences saisonnières asynchrones de Covid-19 à travers les différentes régions de l'hémisphère nord. Ainsi, le Sars-CoV 2 devrait connaître son pic à New York entre novembre et janvier, et en février à Tampere, Yamagata, Sarlahi. À Gothenburg et Stockholm, le pic épidémique sera entre novembre et février.

À Denver, l'incidence connaîtrait son maximum au début du printemps, vers mars. Enfin, à Amsterdam, l'incidence augmenterait vers décembre et ne baisserait qu'en avril. À Hong Kong, le maximum de l'épidémie saisonnière se situerait entre novembre et décembre, mais elle resterait active à bas bruit le reste de l'année. En Thaïlande et à Pékin, l'épidémie est en sourdine tout au long de l'année. 

Les contre-exemples du MERS-CoV et du SRAS

Le chercheur Samuel Alizon, directeur CNRS de l'équipe écologie et évolution de la santé du Centre interdisciplinaire de recherches en biologie (Cirb) à Paris, est plus réservé sur la possibilité de se prononcer dès à présent sur une quelconque saisonnalité du coronavirus. « Le comportement du Sars-CoV-2 au cours de ces dernières années a pris en défaut tous les raisonnements par analogie à d'autres épidémies, explique-t-il. En septembre 2020, certains prédisaient une disparition rapide du virus, comme pour le SRAS ou le MERS-CoV. D'autres prédisaient une baisse rapide de virulence sur le modèle des coronavirus saisonniers. Les deux hypothèses se sont révélées fausses. »

« On sait que des facteurs saisonniers comme la vie en intérieur ou encore l'humidité jouent un peu sur la circulation du virus, mais cela reste limité par rapport à d'autres facteurs comme la durée de notre immunité ou l'évolution virale. Pour l'instant, les vagues épidémiques sont dictées par cette coévolution entre notre mémoire immunitaire et l'émergence de nouveaux variants », estime Samuel Alizon.


Source : lequotidiendumedecin.fr