La Haute autorité de santé (HAS) a désiré améliorer et homogénéiser les pratiques dans la prise en charge des dysthyroïdies car « on constate un excès de thyroïdectomies, source d’hypothyroïdies, ainsi qu’une fréquence trop élevée de dosages d’emblée d’hormones thyroïdiennes et prescription de lévothyroxine », explique Sabine Benoliel, pharmacienne et cheffe de projet à la HAS.
Hypothyroïdie : la TSH en première intention
Le texte rappelle qu’en cas de suspicion d’une hypothyroïdie, le seul dosage à pratiquer en première intention est la TSH. « En effet, une infime variation de T4 entraîne une forte variation de TSH, dont la sécrétion est en relation logarithmique », explique le Pr Philippe Cornet, professeur de médecine générale à Sorbonne université et membre du groupe de travail à l’origine des recommandations. Ce n’est que si la TSH est anormale que l’on dosera la T4 libre (T4L). Cela permettra de différencier une hypothyroïdie frustre (T4L dans la norme avec TSH au-delà de l’intervalle de référence) d’une hypothyroïdie avérée (T4L abaissée et TSH supérieure à 10 mUI/L). Le Pr Cornet a insisté sur le fait que le dosage de la T3L est inutile dans ce contexte. Il en est de même de l’imagerie (sauf en cas de nodule, d’adénopathie palpable…). En revanche, un dosage des anticorps antithyroperoxydase (anti-TPO) sera pratiqué en cas de T4L normale ou basse avec TSH augmentée, pour affirmer le caractère auto-immun de l’hypothyroïdie (maladie de Hashimoto).
Le traitement repose sur la lévothyroxine, en débutant à la dose de 0,5 à 1 µg/kg. Il n’est pas obligatoire dans les hypothyroïdies frustres, si la TSH reste inférieure à 10 mUI/L après deux dosages à 6 à 12 semaines d’intervalle. Le patient sera surveillé grâce à l’examen clinique et des dosages de TSH (par exemple à trois ou six mois, puis tous les ans).
Maladie de Basedow : avant tout les ATS
« La fonction thyroïdienne doit être évaluée devant des symptômes évocateurs d’hyperthyroïdie (tachycardie, nervosité, tremblements, palpitations, thermophobie, fatigue…) », ajoute le Pr Jean-Michel Petit, endocrinologue au CHU de Dijon et président du groupe de travail. Là aussi, le premier examen à réaliser est un dosage de TSH, puis celui de T4L en cas de TSH indétectable (< 0,1 mUI/L) ou de TSH confirmée basse (entre 0,1 et 0,4 mUI/L) à six semaines d’intervalle. Un dosage de T3L sera effectué en troisième intention, si la valeur de T4L se situe dans l’intervalle de référence du laboratoire et que la TSH est basse ou indétectable. Dans 70 % des cas, il s’agit d’une maladie de Basedow, diagnostic à rechercher en dosant également les anticorps antirécepteurs de la TSH (ou Trak). L’échographie ou la scintigraphie ne sont pas un examen à demander d’emblée, mais sont intéressantes en seconde intention en cas de négativité des Trak pour rechercher une maladie de Basedow à Trak négatifs, un adénome ou un goitre multinodulaire toxiques, une hyperthyroïdie à scintigraphie blanche.
Le traitement de l’hyperthyroïdie avérée, en particulier de la maladie de Basedow, repose en première intention sur les antithyroïdiens de synthèse (ATS), la chirurgie et l’irathérapie (iode131) étant plutôt réservées au traitement des récidives à l’arrêt des ATS ou à leurs contre-indications. En revanche, chirurgie et irathérapie sont en première ligne pour les adénomes et goitres multinodulaires toxiques. Le traitement de l’hyperthyroïdie frustre peut être envisagé en cas de facteurs de risque cardiovasculaire, de pathologie cardiaque, d’ostéoporose, mais il n’est pas systématique.
Vigilance chez les sujets âgés et les femmes enceintes
Les recommandations abordent aussi quelques situations particulières comme les dysthyroïdies des sujets âgés et des femmes enceintes.
Après 65 ans, il est recommandé de rechercher une hypothyroïdie devant des signes cliniques évocateurs mais aussi des situations inexpliquées comme une constipation opiniâtre, une décompensation cardiaque, un déclin cognitif, un syndrome anxiodépressif, une altération de l’état général… La valeur haute de référence de la TSH prendra comme limite supérieure la décennie d’âge du patient (par exemple, 6 mUI/L entre 65 et 69 ans, 9 mUI/L entre 90 et 99 ans).
La grossesse augmente les besoins en hormones thyroïdiennes d’environ 50 %. Il est conseillé de doser la TSH en préconceptionnel ou en début de grossesse chez les femmes avec des facteurs de risque d’hypothyroïdie (dysthyroïdies, prise de lithium ou d’amiodarone, diabète de type 1 ou maladie auto-immune, antécédents d’accouchement prématuré, fausses couches ou infertilité, âge ≥ 35 ans, IMC ≥ 40 kg/m2). En cas de TSH > 2,5 mUI/L, on dosera les anticorps anti-TPO. Les doses de lévothyroxine doivent être majorées de 20 à 30 % dès le début de la grossesse.
Exergue : Toujours trop de dosages et de traitements pour la HAS
Session « La thyroïde dans tous ses états : que disent les nouvelles recommandations ? »
Article précédent
Protéger les enfants
Article suivant
Cannabis médical, an trois
Un métier en pleine transformation
Faciliter la prise en charge des troubles psychiques
Un cabinet écoresponsable
Obésité infantile : un dispositif généralisé
DME : pas de risque
Protéger les enfants
Des recommandations pour les dysthyroïdies
Cannabis médical, an trois
Les SMS du congrès CMGF 2023
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?