Les personnes âgées répondent moins bien au traitement antidépresseur que les sujets plus jeunes et la dépression résistante est très fréquente chez eux. Deux tiers ne présentent aucune réponse à six et douze mois. Les conséquences en sont importantes : augmentation du handicap, accélération du déclin cognitif et majoration du risque de troubles neurocognitifs majeurs.
Le traitement classique fait appel aux tricycliques, aux associations (venlafaxine-mirtazapine) ou aux potentialisations (lithium, aripiprazole, quetiapine, hormones thyroïdiennes). Mais ils ne sont pas toujours efficaces, ni bien tolérés. « La stimulation magnétique transcrânienne (rTMS), à durée et intensité suffisantes, est aussi efficace que chez le sujet jeune, et bien tolérée, mais elle n’est toujours pas reconnue par la HAS. L’électroconvulsivothérapie (ECT) est le traitement de référence, notamment à cet âge, mais elle est peu accessible et peut présenter des effets indésirables cognitifs, explique le Dr Samuel Bulteau (Nantes). C’est pourquoi on peut se demander s’il y aurait une place pour la kétamine et l’eskétamine. »
L’eskétamine intranasale est déjà autorisée, en association à un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou de la noradrénaline (ISRN), chez les patients de moins de 65 ans, pour le traitement des épisodes dépressifs caractérisés résistants, n’ayant pas répondu à au moins deux antidépresseurs différents et en cas de contre-indication ou résistance à l’ECT. « Qu’en est-il chez les sujets plus âgés ? Plusieurs études ont déjà été menées et les données préliminaires suggèrent une sécurité d’emploi correcte, avec une bonne tolérance cognitive mais avec plus d’effets indésirables que chez le sujet jeune, et une efficacité rapide (moins de 2 semaines), à des doses relativement élevées », indique le Dr Bulteau. Le niveau de preuve est encore faible et les études doivent se poursuivre.
La psilocybine en fin de vie
Une métaanalyse a montré que la psilocybine était supérieure au placebo dans le traitement de l’anxiété en fin de vie, après une seule séance de traitement. L’efficacité est observée un jour et deux semaines après le traitement, sans effets secondaires graves (1).
En ce qui concerne la dépression, une étude contrôlée randomisée chez des patients souffrant de troubles dépressifs majeurs a comparé la psilocybine à l’escitalopram sur une période 6 semaines (2). Elle n’a pas relevé de différence significative concernant les effets antidépresseurs des deux molécules. « L’efficacité pourrait être un peu plus rapide, en seulement deux prises, donc avec moins d’interactions médicamenteuses et moins d’effets secondaires au long cours que les ISRS classiques. La tolérance pourrait être un peu meilleure également : moins de fatigue, d’anxiété, de bouche sèche, de palpitations, un peu plus de céphalées », rapporte le Dr Quentin Gallet (Angers).
La mise en place d’un traitement, mais surtout sa tolérance, sont très importantes. Il est recommandé d’éviter de prescrire des ISRS aux patients âgés de 65 ans et plus ayant des antécédents de chutes ou de fractures.
Le protoxyde d’azote, pourquoi pas
Le premier essai de preuve de concept, en 2015, chez 20 patients exposés à une heure de protoxyde d’azote (Meopa), suggérait qu’il a des effets antidépresseurs rapides et marqués chez les patients atteints de dépression résistante (3). Et une étude randomisée, chez 44 patients, a montré qu’une heure de Meopa atténue efficacement la dépression (4). L’effet ne dure pas plus d’une semaine et la tolérance est bonne.
« Ces données, encore préliminaires, nécessitent d’autres études précisant le protocole d’utilisation, la durée d’efficacité, le profil des patients répondeurs. Le Meopa est déjà largement utilisé dans d’autres indications et il est particulièrement adapté au sujet âgé. L’essai Proto-Brain a été lancé, pour étudier son efficacité dans la dépression résistante du sujet âgé de 60 à 90 ans », indique le Pr Thomas Desmidt (CHU de Tours).
Exergue : « Le Meopa est particulièrement adapté au sujet âgé »
Session « Papy-boom génération : Trip must go on. Quelle place pour les psychédéliques et apparentés dans la dépression du sujet âgé » (1) Yu C-L et al. Psychiatry Investig. 2021 Oct;18(10):958-67 (2) Carhart-Harris R et al. N Engl J Med. 2021 Apr 15;384(15):1402-11 (3) Nagele P et al. Biol Psychiatry. 2015 Jul 1;78(1):10-8 (4) Yan D et al. Psychiatry Res. 2022 Nov;317:114867
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