Sécu : un PLFSS sous le signe des économies… et des controverses

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Publié le 08/09/2023
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Entre polémiques sur les franchises médicales et contrôle des arrêts maladie mais aussi arbitrages serrés sur les enveloppes de l'hôpital et de la ville, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2024) s’annonce délicat.
Le débat s'annonce vif à l'Assemblée, surtout que le gouvernement ne dispose pas de la majorité

Le débat s'annonce vif à l'Assemblée, surtout que le gouvernement ne dispose pas de la majorité
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Bruno Le Maire ne s’en cache pas : il veut faire des économies, sans augmenter les impôts des ménages et des entreprises. Le ministre de l’Économie vise – entre autres – les dépenses de santé, et plus précisément certains postes dynamiques. Dès juin, le patron de Bercy avait affirmé, lors des assises des finances publiques, que le médicament est un domaine où « la quasi-gratuité » peut conduire à « déresponsabiliser le patient ».

Un des projets du gouvernement pour le PLFSS 2024 est de doubler la franchise médicale, portée à un euro par boîte ou par acte paramédical. Les transports sanitaires (où la franchise atteint deux euros) pourraient être concernés. La hausse du reste à charge pourrait s’étendre aux dispositifs médicaux – tels que les pansements, béquilles ou implants – jusqu’alors épargnés. Quant à la « participation forfaitaire » qui s’applique à chaque consultation chez le médecin, mais aussi aux radios et analyses, elle passerait d’un à deux euros. Le gain potentiel s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros, et jusqu'à 1,5 milliard en cas de relèvement des plafonds, actuellement à 50 euros annuels par patient. Le débat s'annonce vif sur ces sujets, alors que le gouvernement ne dispose pas de la majorité absolue à l'Assemblée. 

Ces pistes ont en tout cas déjà provoqué un tir de barrage des syndicats de médecins et associations de patients. « Depuis 2017, on a augmenté l'accès à la santé, aux lunettes, aux prothèses audios, aux soins dentaires, on continue à financer une santé accessible à tous, mais on doit aussi, en responsabilité, trouver parfois de nouvelles sources de financement pour garantir notre modèle », assume Thomas Cazenave, le nouveau ministre délégué chargé des Comptes publics. Il s’agit d’une mesure « sur la table », a reconnu le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, parlant d’un « effort de responsabilisation collective ».

Pression sur les prescripteurs 

Dans le viseur de l'exécutif également : les arrêts maladie, en hausse de 30 % depuis dix ans et qui ont représenté une dépense de 16,3 milliards d’euros en 2022 (+8,2 %). Si l’allongement du délai de carence est parfois évoqué, le ministre ne semble pas privilégier cette hypothèse. En revanche, Aurélien Rousseau réclame « plus de contrôles, plus vite », déplorant aussi que « pour un employeur, c'est extrêmement lourd » de déclencher des vérifications. Ciblés depuis l'été, les généralistes libéraux « surprescripteurs » dénoncent une forme de délit statistique et un « flicage ».   

D’autres évolutions sont sur la table comme de nouveaux partages de tâches entre médecins et autres professionnels de santé ou encore la délivrance directe par les pharmaciens d'antibiotiques contre la cystite et l'angine, après réalisation d'un TROD. « Un point de vigilance » pour un responsable syndical, soulignant qu’il ne « faudra pas tout désorganiser ».

Taxer les lapins ?

Côté recettes, si de nouvelles taxes sur l’alcool et le tabac ont été écartées par Matignon l'an prochain, d’autres sujets de fiscalité pourraient s'inviter dans le débat. Quant à la question sensible des rendez-vous non honorés (« taxer les lapins »), l'exécutif y est plutôt favorable mais chercherait la bonne formule. 

La question des objectifs de dépenses des différents secteurs (établissements, ville, médico-social, médicament) – et donc de leurs marges de manœuvre pour 2024 – sera centrale. Avec un Ondam fixé à 3,1 % dans le cadre du programme de stabilité transmis à Bruxelles, le bras de fer entre le secteur libéral et l'hôpital se profile déjà, dans un contexte d'attentes extrêmement fortes (lire page 12). La Fédération hospitalière de France (FHF) réclame déjà une rectification de l’Ondam hospitalier 2023 (avec une rallonge de 3,2 milliards) et une augmentation de près de 5 % pour l'an prochain. Plusieurs milliards d'euros supplémentaires sont aussi exigés par les syndicats de médecins libéraux pour les revalorisations d'honoraires dans le cadre des négociations conventionnelles.   


Source : Le Quotidien du médecin