Allergies médicamenteuses

Hypersensibilité au paracétamol et à l’insuline

Publié le 20/05/2011
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Le paracétamol est le médicament le plus vendu dans le monde. En France, plus de 260 millions de doses sont vendues par an. Antipyrétique et antalgique de première intention, il est largement prescrit du nouveau-né au sujet âgé en passant par la femme enceinte. Accessible en automédication, il a peu d’effets secondaires excepté une hépatotoxicité, qui ne s’observe qu’en cas de surdosage et chez des sujets à risque. L’hypersensibilité isolée au paracétamol est rare et souvent difficile à identifier, du fait de la polymédication fréquente des patients qui l’utilisent. Les signes le plus souvent rapportés sont cutanés : érythème ou rash maculo-papuleux, urticaire… Côté respiratoire, on peut observer une dyspnée ou un bronchospasme. Quelques cas de choc anaphylactique ont aussi été rapportés. La fréquence de ces réactions allergiques est difficile à évaluer. Sur 59 cas d’érythème pigmenté fixe répertoriés en France entre 2005 et 2007, le paracétamol a été le médicament le plus souvent incriminé. En cas de suspicion d’allergie à ce médicament, un test de provocation orale (TPO) est conseillé, les tests cutanés et biologiques s’avérant souvent insuffisants.

Dans une étude réalisée à Montpellier sur 84 patients, une allergie au paracétamol a été constatée par TPO chez 15,5 % d’entre eux. À Lille, sur 50 patients explorés entre 2007 et 2010, 8 % ont eu des tests cutanés positifs, 18 % un TPO positif et 8 % ont présenté une réaction sévère avec imputabilité forte.

Il existe aussi de nombreux cas d’allergies croisées paracétamol/AINS et on estime que 20 à 30 % des patients asthmatiques sensibles à l’aspirine présentent aussi une hypersensibilité au paracétamol. Cependant, il semble que le risque de réaction au paracétamol chez les asthmatiques présentant une intolérance à l’aspirine ou aux AINS serait plus lié à la sévérité de l’asthme qu’à la dose ingérée.

Ainsi, l’hypothèse a été émise que l’augmentation de prévalence de l’asthme aux États-Unis pourrait être due à une augmentation de la prescription de paracétamol suite à une diminution de la prescription d’aspirine… En accord avec cette théorie, le suivi pendant sept ans d’une cohorte de 121 700 femmes a montré une corrélation entre la consommation de paracétamol supérieure à 14 jours/mois et la survenue d’un asthme, indépendamment de la consommation d’aspirine. D’autres études réalisées chez des enfants et des femmes enceintes vont dans ce sens. Cependant, ces résultats doivent être considérés avec prudence car la définition de l’asthme est variable dans ces cohortes, sans compter que de nombreux facteurs confondants (infection, polymédication) peuvent aussi jouer un rôle.

Malgré ces réserves, pour Lidwine Stervinou-Wemeau (CHU Lille) la possibilité d’effets allergiques sévères au paracétamol ne doit pas être négligée, même s’il est réputé comme très bien toléré. En conséquence, l’enquête allergologique est nécessaire pour dépister une éventuelle hypersensibilité.

L’insuline aussi.

Lorsque l’insuline animale était utilisée pour traiter les diabétiques, les réactions allergiques étaient fréquentes : 50 % en 1950, rappelle Julie Waton (CHU Nancy). Depuis l’utilisation des insulines humaines recombinantes, l’incidence de l’hypersensibilité à l’insuline est devenue rare : 3 % en 1990 et la majorité des réactions allergiques sont dues à des excipients (métacrésol) ou à des adjuvants (zinc, protamine). Cependant, des hypersensibilités à l’insuline proprement dite peuvent être observées.

L’hypersensibilité à l’insuline de type I est la plus commune. Elle est IgE dépendante et se traduit par une réaction localisée au point d’injection (œdème, érythème, prurit) dans la demi-heure qui suit l’injection. Elle peut apparaître dans la semaine après l’initiation du traitement, après plusieurs années ou après une interruption. Elle disparaît généralement dans l’heure qui suit mais peut évoluer en une réaction généralisée allant de l’urticaire simple à l’anaphylaxie. Quelques cas d’hypersensibilité de type III (vascularite) ou de type IV (nodules érythémateux prurigineux) ont été observés dans les 6 à 24 heures qui suivent l’injection mais ils sont rares.

Le diagnostic différentiel consiste à éliminer les autres causes possibles : allergie de contact (latex, antiseptique, savon), hypersensibilité aux additifs, toxidermie généralisée et dermatoses, fréquentes chez le diabétique. Une allergie à l’insuline proprement dite doit être recherchée par dosage d’IgE, prick-test (allergie immédiate) et/ou intradermoréaction (allergie immédiate et retardée).

L’insuline n’est pas une thérapie qui peut être supprimée et la démarche thérapeutique doit procéder par étapes. Elle dépend de la gravité clinique de la réaction. L’abstention thérapeutique est de mise pour les réactions locales de disparition spontanée. Lorsqu’elles ne sont pas spontanément résolutives, des antihistaminiques sont prescrits en première intention. S’ils ne suffisent pas, des dermocorticoïdes puis une corticothérapie orale courte sont préconisés.

L’étape suivante – ou d’emblée lors de réaction généralisée - est le switch par un analogue de l’insuline. Cependant ces composés ne sont pas toujours bien tolérés. En cas d’anaphylaxie résistant aux changements de type d’insuline, une induction de tolérance peut être tentée. Elle doit être effectuée en milieu hospitalier en raison des risques de récidive de la réaction allergique et d’hypoglycémie. Les immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate, anticorps monoclonaux) sont une possibilité thérapeutique de dernière ligne.

De nouvelles voies d’administration de l’insuline (inhalée), de nouvelles insulines et l’association d’un agoniste des récepteurs GLP-1 à l’insuline (lixisénatide) sont en cours d’évaluation dans la gestion de ces allergies.

D’après les communications des Drs Lidwine Stervinou-Wemeau (CHU Lille) et Julie Waton (CHU Nancy) lors de la session « Allergies médicamenteuses du quotidien ».

 YVONNE ÉVRARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 8967