Rhinite allergique résistante au traitement

Place au diagnostic différentiel

Publié le 20/05/2011
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La rhinite allergique est une pathologique très fréquente, concernant 20 à 25 % de la population européenne. Dans la majorité des cas, la prise en charge est simple, avec une augmentation graduelle de l’intensité du traitement en fonction de la temporalité et de la sévérité de la rhinite.

Comme le rappellent la mise à jour 2010 des recommandations de l’ARIA (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma) et les recommandations pour la pratique clinique, élaborées conjointement par les Sociétés françaises d’allergologie, de pédiatrie, d’ORL et la Société française de documentation et de recherche en médecine générale (SFDRMG), les principaux traitements recommandés sont les mesures d’éviction de l’allergène, les antihistaminiques (anti-H1) de deuxième génération par voie générale et les corticoïdes par voie nasale. Les anti-H1 locaux sont conseillés dans la rhinite allergique intermittente (moins de 4 semaines par an) mais leur utilisation n’est pas recommandée au long cours. Le cromoglycate de sodium est utilisable, avec une efficacité cependant inférieure aux anti-H1 et aux corticoïdes locaux, et a l’inconvénient de nécessiter un nombre de prises journalières élevé. L’ipratropium nasal est efficace sur la rhinorrhée, mais peu sur les autres symptômes. Les leucotriènes n’ont d’indication qu’en cas d’asthme associé. Les vasoconstricteurs sont efficaces sur l’obstruction nasale, mais n’ont pas d’AMM dans la rhinite allergique. Ils peuvent cependant être prescrits en appoint pendant quelques jours.

L’approche médicamenteuse du traitement d’une rhinite allergique doit se faire par pallier : anti-H1 oral en première intention dans les rhinites légères (sans altération de la qualité de vie) ou intermittentes, anti-H1 oral ou corticoïdes locaux dans les formes modérées à sévères, et corticoïdes locaux en première intention dans les formes sévères.

Le bénéfice du traitement chirurgical de la rhinite allergique est peu documenté. Il pourra être envisagé en cas d’échec ou de résultats insuffisants du traitement médical, dans un but d’amélioration de l’obstruction nasale à long terme. Plusieurs techniques sont pratiquées : laser, radiofréquence, électrocoagulation bipolaire, turbinectomie.

Exclure les pathologies sinusiennes.

En cas d’échec d’un traitement médicamenteux bien conduit, la question du diagnostic différentiel se pose. Existe-t-il une pathologie associée, notamment rhino-sinusienne ? Certains signes cliniques doivent alerter : unilatéralité, épistaxis récidivant, anosmie, jetage postérieur isolé, douleur. Un examen ORL est alors indispensable, recherchant une déviation du septum nasal, une polypose naso-sinusienne, une tumeur, une atrésie, une division palatine, une déformation acquise, un corps étranger, une dyskinésie ciliaire…

En cas de confirmation du diagnostic de rhinite, il est important de savoir évoquer une rhinite non-allergique (RNA). Tout en gardant à l’esprit que les formes intriquées, ou rhinites « mixtes », ne sont pas rares. Les RNA forment un grand groupe mal connu de pathologies diverses. Elles pourraient représenter environ un quart des rhinites chroniques. Souvent étiquetées à tort « sinusite chronique », elles présentent des symptômes peu spécifiques, d’apparition un peu plus tardive que dans les rhinites allergiques, plutôt per-annuels et concernant majoritairement des femmes. Les principaux symptômes sont une obstruction nasale, une rhinorrhée, des éternuements, une anosmie, voire une cacosmie. Ces symptômes sont le plus souvent moins fréquents et moins intenses que dans la rhinite allergique, à l’exception de l’obstruction qui prédomine.

Les données disponibles sur les traitements de ces rhinites sont limitées. L’ipratropium est actif sur la rhinorrhée. Les décongestionnants, notamment la pseudoéphédrine, et les corticoïdes locaux peuvent être proposés si l’obstruction est prédominante. Les antihistaminiques topiques ou par voie systémique ont parfois une efficacité dans certaines étiologies.

Des étiologies non allergiques à rechercher.

Les étiologies des RNA sont nombreuses. Elles sont classées en rhinites inflammatoires - comme les rhinites non allergiques à éosinophiles ou les rhinites systémiques - ou non-inflammatoires, comprenant les RNA d’origine extrinsèque ou intrinsèque. L’interrogatoire et l’examen endonasal sont systématiques et permettent d’orienter le diagnostic dans un grand nombre de cas. Si les tests épicutanés sont utiles pour éliminer l’origine allergique de la rhinite, un certain nombre d’examens complémentaires peuvent également aider à l’orientation étiologique en fonction du contexte : tests de provocation, exploration fonctionnelle respiratoire (EFR), imagerie, cytologie nasale, examen bactériologique… Sans oublier l’avis du médecin du travail.

Les rhinites à éosinophiles se caractérisent par les signes habituels de rhinite chronique, associés à une anosmie intermittente et une évolution par paroxysmes. La rhinoscopie antérieure met en évidence des cornets inflammatoires, la cytologie nasale permet de confirmer le diagnostic.

Dans les rhinites systémiques associées à une maladie de Wegener, un syndrome de Churg et Strauss, ou encore une sarcoïdose. Les symptômes sont souvent sévères avec une atteinte nasale croûteuse, associée à des manifestations générales.

Quant aux RNA non inflammatoires, elles sont considérées comme extrinsèques lorsqu’on relève une origine médicamenteuse, alimentaire, professionnelle ou environnementale : tabac, poussière, odeurs fortes, rhinite « des climatiseurs ». Parmi les rhinites iatrogènes, les rhinites atrophiques liées à une utilisation abusive de décongestionnants ont un profil évolutif péjoratif. Les autres médicaments impliqués sont variés : salicylés, antihypertenseurs, alpha-bloquants, contraceptifs oraux, immunosuppresseurs… Les mécanismes physiopathologiques liés aux rhinites alimentaires sont multiples : histamino-libération, phénomènes cholinergiques, vasoactifs, congestifs ou réflexes.

Enfin, au sein des RNA non-inflammatoires d’origine intrinsèque, on retrouve les rhinites hormonales (menstruelle, liée à la grossesse, à une hypothyroidie, à une acromégalie) ; les rhinites dites séniles, caractérisées par une rhinorrhée aqueuse intermittente qui serait liée à une dysrégulation neurovégétative acquise ; les rhinites positionnelles, les rhinites atrophiques primitives (ozène) ou secondaires (post-opératoires, post-radiques) et les rhinites vasomotrices idiopathiques.

D’après la session « Rhinite allergique difficile et diagnostics alternatifs » présentée par les Prs Olivier Malard (Nantes), Elie Serrano et Michel Miguérès (Toulouse).

 Dr Camille Cortinovis

Source : Le Quotidien du Médecin: 8967