Conjonctivite

Un bilan allergologique est nécessaire

Publié le 20/05/2011
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Si l’allergologie est souvent associée à certaines disciplines comme la pneumologie, la dermatologie ou l’ORL, elle l’est moins naturellement avec l’ophtalmologie. Le Dr Bruno Mortemousque, ophtalmologiste et vice-président du Groupe Ophtalmo-Allergo (GOA) regrette le peu d’ophtalmologistes se passionnent pour les pathologies oculaires allergiques : « en ophtalmologie, la classification ARIA n’est pas utilisée. On parle encore de conjonctivite allergique aigue (CAA), saisonnière (CAS) ou perannuelle (CAP), de kérato-conjonctivite vernale (KCV) ou atopique (KCA) et de conjonctivite giganto-papillaire. » Encore faut-il noter à la décharge des ophtalmologistes que ce sont surtout les allergologues qui voient les CA simples, les ophtalmologistes voient essentiellement les KCV et les KCA, formes sévères de CA.

Les symptômes de la conjonctivite allergique sont faciles à reconnaitre : prurit, rougeur (en cas de chémosis, la rougeur peut être masquée par l’œdème de la conjonctive), gonflement des paupières et larmoiement. Bruno Mortemousque insiste sur la nécessité de penser à regarder le nez de tout sujet présentant une CA : « 68 % des rhinites allergiques IgE-médiées s’accompagnent de manifestations conjonctivales et seulement 6 % des CA sont isolées. En fait, 90 à 95 % des CA sont IgE médiées et dues à des aéroallergènes ». Il est habituel en ophtalmologie d’associer une forme clinique à un allergène donné : une CA saisonnière évoque un pollen, une CA perannuelle un acarien. « Il faut cependant se méfier d’un jugement trop hâtif, certains pollens persistent à l’intérieur des maisons toute l’année. Il est donc plus sûr de faire un bilan allergologique afin d’identifier l’allergène responsable, capital pour donner des conseils de vie quotidienne et pour améliorer la prise en charge thérapeutique. »

Ophtalmologie. : les spécificités du bilan.

Les critères diffèrent en allergologie classique et en optalmo-allergologie. Alors que dans le premier cas, des prick-tests positifs et des IgE positives (≥ 0,70 UI/ml) sont nécessaires pour conclure, un seul critère (prick-test positif ou IgE ≥ 0,10 UI/ml) suffit en ophtalmologie pour parler de sensibilisation allergénique et pour affirmer l’expression conjonctivale de cette allergie. Ce n’est que si un doute persiste sur la responsabilité d’un allergène que des tests de provocation conjonctivaux (TPC), en particulier aux pneumoallergènes, sont effectués. Les conditions de réalisation d’un TPC sont énoncées dans des recommandations de bonne pratique(1).

Le TPC ambulatoire concerne les CA IgE-médiées (CAS, CAP) et n’évalue que le prurit ressenti par le patient. Il nécessite la présence d’un allergologue ou d’un ophtalmologiste. Le TPC hospitalier s’adresse plutôt aux KC, il évalue le prurit, l’hyperhémie, le larmoiement et le chémosis. Lors de sa réalisation, l’ophtalmologiste et l’allergologue doivent être présents.

Le TPC doit être fait en dehors des périodes aiguës. Les lentilles de contact sont retirées la veille du test. Les traitements généraux, corticoïdes, antihistaminiques sont arrêtés sept jours avant le test et les collyres antiallergiques cinq jours avant.

Lors de la réalisation de ce test, cinq concentrations croissantes d’allergènes sont instillées dans un œil. L’autre œil sert de contrôle et reçoit uniquement le solvant. En cas d’absence de réaction après 10 minutes, la concentration supérieure est essayée. La cotation du test se fait selon le score d’Abelson, Chambers et Smith. La gradation varie de 0 (nulle) à 3 (sévère) pour la rougeur conjonctivale, le larmoiement et le chémosis (évalué par ophtalmologiste) et de 0 (nul) à 4 (insupportable) pour le prurit ressenti par le patient. Un test qui atteint ou dépasse 5 est considéré comme positif. « Le TPC est utile pour le diagnostic et pour le suivi thérapeutique des CA », affirme Bruno Mortemousque.

Test diagnostique de provocation conjonctivale.

Le TPC est utile pour valider l’implication de l’allergène incriminé. Ainsi, dans une étude bordelaise, 82 garçons et 19 filles présentant une KCV ont été soumis à des tests standards (tests cutanés + IgE + clinique) et à un TPC. Alors qu’avec les tests standards, 9 % des sujets étaient trouvés positifs, le TPC en montrait 28 %. L’analyse de la répartition des pneumoallergènes avec les deux tests montre aussi des différences de réponses aux acariens et aux graminées en fonction du test. « En effet, certains patients ont des polysensibilisations et non des polyallergies », explique le Dr Mortemousque.

Dans cette étude, les 28 % de patients qui avaient un TPC positif ont reçu une immunothérapie, qui donne de bons résultats en termes d’amélioration conjonctivale. Pour certains thérapeutes, l’immunothérapie devant être effectuée en dehors des épisodes inflammatoires, elle n’est pas indiquée pour les KCV. Pour le Dr Mortemousque, elle est une bonne alternative aux corticoïdes, qui peuvent induire cataracte ou glaucome, pathologies cécitantes, plus graves que la CA initiale.

Suivi d’une immunothérapie spécifique.

Le TPC aux aéroallergènes permet aussi le suivi d’une immunothérapie (IT) spécifique. Le réaliser avant de débuter la thérapie permet de définir le seuil antigénique et le score initial. Ainsi, une étude d’efficacité de l’ immunothérapie par voie sublinguale (ITSL) a été réalisée sur 60 patients présentant une conjonctivite allergique aux acariens (2). Ceux-ci étaient suivis pendant 24 mois, un groupe recevant l’ITSL à dose croissante et l’autre un placebo. Un TPC a été pratiqué, avant la mise en place du traitement puis tous les six mois.

À 24 mois, une augmentation significative de la concentration d’allergène nécessaire pour déclencher la positivité du TPC était notée (de 8,1 à 21,7 XX) dans le groupe actif alors qu’aucune modification n’était observée dans le groupe placebo.

Dans le groupe actif, quatre sorties d’étude ont été rapportées, dont deux pour inefficacité contre onze dans le groupe placebo, dont huit pour inefficacité. L’efficacité de l’IT s’est manifestée à partir de 18 mois sans effets secondaires majeurs. En revanche, une grande inhomogénéité était notée dans les réponses individuelles.

D’après la communication du Dr Bruno Mortemousque (CHU bordeaux) : « Œil et allergènes aéroportés »

(1) Fauquert JL et coll. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2004;44(8):689-99

(2) Clin Exp Allergy 2003;33(4):464-9

Yvonne ÉVRARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 8967