Pour Simone de Beauvoir, « la femme n’est victime d’aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas que ses ovaires la condamnent à vivre à genoux ».
Pourtant, très très régulièrement, dès que le sujet de la démographie médicale est abordé – y compris dans le Quotidien – des voix médicales s’élèvent pour pointer du doigt la féminisation de la profession qui aurait entrainé un déficit d’installations libérales. En 2015, Jean François Mayet, sénateur de l’Indre lors de la discussion du projet de Loi Santé affirmait « 75 % des nouveaux diplômés en médecine sont des femmes. Or nonobstant l’égalité, elles sont quand même là pour faire des enfants ». Interrogé par la Nouvelle République, il ajoutait « pour les femmes passer 10, 12, 15 heures par jour au travail, c’est chaud quand elles doivent faire et élever leurs enfants ».
A l’époque le Conseil National de l’Ordre des Médecins avait déploré ces propos.
Que s’est-il passé depuis ? Une prise de conscience récente du caractère machiste des études de médecine, en particulier de la part des plus jeunes promotions d’étudiants où les filles représentent désormais 60 % des effectifs.
Concilier projet professionnel et organisation familiale
Alors, 2018 sera t-elle l’année d’une nouvelle aube pour les femmes médecins en France, tout comme Oprah Winfrey le prédit pour les femmes à Hollywood et plus globalement aux Etats-Unis?
Début 2013, les femmes représentaient 41,9 % de l’effectif global des médecins en France et 33,9 % de celui des libéraux exclusifs. Un quart d’entre elles exerçaient à temps partiel, avec un temps total de travail inférieur de 10 à 25 % par rapport à leurs confrères masculins.
A l’hôpital, si chez les praticiens hospitaliers les deux sexes sont également répartis, chez les juniors elles sont surreprésentées (55 %), alors qu’elles ne forment que 14 % du corps des PU PH dans notre pays (30 % chez les moins de 50 ans).
Ce blocage de l’accès aux responsabilités, voire aux salaires les plus élevés, n’est pas une spécificité du milieu médical.
Néanmoins, en médecine, c’est entre l’âge de 30 et 40 ans que tout se joue : or à cet âge, il est parfois difficile de concilier projet professionnel et organisation familiale. Et ce d’autant plus que la longueur des études de médecine impose souvent de retarder les maternités.
Vers un management féminin ?
Une étude publiée en décembre 2017 dans la revue JAMA Internal Medicine montre que pendant leurs études les internes hommes et femmes peuvent souffrir de syndrome dépressif. Mais les femmes sont statistiquement plus concernées du fait majoritairement de conflits familiaux liés au travail (36 % des étudiantes). Or, un médecin dépressif ou anxieux prodigue des soins de moins bonne qualité que ses confrères.
Et une fois les études passées, la place des femmes dans la hiérarchie hospitalière est souvent mise en cause. Deux profils de femmes médecins à responsabilités hospitalières se dessinent en effet. D’une part, celles qui par perfectionnisme ou dévouement à leur équipe donnent sans compter à leur service, jusqu’au burn out parfois. D’autre part, celles qui calquent leur comportement sur celui des hommes, qui bien souvent pour arriver à une poste hiérarchiquement élevé ont usé de nombreux ressorts de leur personnalité (autorité, manque de dialogue voire manipulation).
Pourtant l’idée de promouvoir un management féminin apparaît dans les entreprises, un management plus fondé sur l’empathie, la communication, la protection, la sensibilité, l’intuition… Un ensemble de qualités que les patients attendent de leurs médecins.
Si on leur en donne l’occasion, les femmes seront-elles l’avenir d’une nouvelle hiérarchie hospitalière fondée sur la bienveillance ?
Guille C, Franck E, Zhao Z. Work-Family Conflict and the Sex Difference in Depression Among Training Physicians.JAMA Intern Med. 2017;177(12):1766-1772. doi:10.1001/jamainternmed.2017.5138
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