« Si c'est comme ça, je vais exercer ailleurs ! » Entendue mille fois, cette menace n'est que rarement mise à exécution. Analyse.
Pourquoi veulent-ils quitter la France ?
Interrogés par « le Quotidien », des médecins qui ont ou veulent quitter la France donnent deux principales raisons à leur choix.
D’une part un manque de reconnaissance des pouvoirs publics et des employeurs hospitaliers. D’autre part, un manque de respect du travail effectué de la part de patients qui sont de plus en plus exigeants, procéduriers, qui « consomment du médecin » comme autre service et considèrent les hommes et femmes de l'art comme « des nantis ».
Les plus jeunes – plutôt décoincés dans leur rapport à l’argent – parlent des carrières bloquées, de rémunération insuffisante. Ils soulignent aussi « la mainmise » de la Caisse nationale d’assurance-maladie qui, en laissant la consultation à moins de 25 euros, les contraint aux horaires à rallonge – une manière de « masquer en partie le déficit en médecins libéraux ».
Peuvent-ils exercer ailleurs ?
La reconnaissance des diplômes français à l'étranger est, au sein de la Communauté européenne ou des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen, organisée sur « la base des directives qui font application aux médecins du principe de libre circulation des personnes. En dehors de la Communauté, chaque État fixe les règles selon lesquelles il admet à exercer des médecins titulaires de diplômes obtenus en dehors de son territoire ».
Lorsqu’il exerce à l’étranger, le médecin français garde le droit d’effectuer des remplacements sur le territoire national, soit en restant inscrit au tableau de l’Ordre en France, soit en s’inscrivant sur la « liste spéciale des médecins résidant à l’étranger », soit sous la forme d’une prestation de services avec déclaration préalable au Conseil de l’Ordre.
Comment faire reconnaître son diplôme à l’étranger ?
Tout médecin français qui souhaite exercer dans un autre pays doit se référer au site du ministère des Affaires étrangères à la rubrique « Préparer son expatriation » : pour chaque pays, les domaines d’emploi possibles sont détaillés.
En Belgique où le nombre de médecins français a été multiplié par 7 en moins de dix ans, en Suisse où « l’invasion » des médecins français pose des problèmes dans certains cantons, et en Grande-Bretagne, les procédures sont relativement simples.
Pour les pays hors Union Européenne, la reconnaissance des diplômes peut parfois prendre l’allure d’un parcours du combattant. Ainsi au Québec, il est nécessaire d’obtenir un permis de travail restrictif et de se cantonner à un exercice hospitalier au début de sa carrière. Pour obtenir un permis de travail régulier, il faut effectuer deux années de résidanat et passer l’examen final des études de médecine.
Aux États-Unis, le médecin doit repasser les examens des 4 années de Graduate School avant des années d’internat ; il doit passer l’examen pour être « Bocard Certifie » puis postuler pour obtenir sa licence.
En Australie, le parcours de reconnaissance des diplômes est coordonné par l’Australian Medical Concil.
Qui recherche des médecins français ?
L’expatriation fait partie de la carrière « naturelle » de certains médecins : les hospitalo-universitaires, les chercheurs et des médecins de l’industrie. Les médecins français libéraux ou salariés d’hôpitaux étrangers ne sont, en revanche, pas légion à l’étranger.
Interrogés par « le Quotidien », des recruteurs internationaux en santé expliquent pourtant que les Français pourraient prétendre à des postes dans le Golfe persique, en Asie, en Afrique… Mais les candidats sont rares. « Beaucoup ne parlent pas l’anglais assez bien pour consulter dans cette langue. La question de l’accès au service de soins français et à des établissements d’enseignement affiliés à l’Éducation nationale pour les enfants revient souvent. Les congés annuels limités en cas de contrats étrangers sont aussi un frein à l’expatriation. »
« Paradoxalement, nous recevons plus de candidatures de médecins étrangers formés en France qui ne rechignent pas à une deuxième expatriation », explique-t-on du côté des recruteurs. Même si le nombre de médecins libéraux installés à l’étranger est faible, généralement ils trouvent une patientèle auprès des Français et des Européens expatriés.
Qui quitte vraiment la France ?
Le ministère des Affaires sociales et de la Santé (Observatoire national de la démographie des professions de santé) a publié en août 2016 un rapport sur « Les mobilités internationales de professions de santé » qui conclut que sur les 2 millions de Français expatriés on compte moins de 8 000 médecins, tout en reconnaissant que l’on ne dispose pas de bases de données exhaustives.
Côté pays d'accueil, la Belgique vient en tête (30 % des expatriés), devant les États-Unis (20 % soit 1 500 médecins), l’Italie (14 %), Israël (14 %), le Canada (14 %), l’Allemagne (8 %), la Suisse (8 %) et le Royaume Uni (8 %).
Seuls 1,9 % des médecins formés en France s’expatrient contre 31,3 % au Luxembourg, 29 % en Islande, 27 % à Malte.
Aux États-Unis, pays où un quart des effectifs médicaux a été formé à l’étranger, les médecins français comptent pour 1 sur 1 000.
Parmi les motivations d’expatriation des médecins, les séjours professionnels viennent en tête (51,3 %), devant les raisons familiales et personnelles (29,5 %), la retraite (6 %), les séjours étudiants (3,9 %) et l’humanitaire (2,3 %).
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