LE QUOTIDIEN : Un médecin peut-il faire faillite ?
Me CONTIS : Dans leurs activités professionnelles, seuls les médecins libéraux peuvent faire faillite, selon les termes de la loi de sauvegarde des entreprises. Les hospitaliers et les salariés peuvent être concernés par une faillite dans le cadre d’autres activités (telles que des locations, de la gestion d’immobilier…). Dans la vie personnelle, les situations de « faillite » donnent lieu à des procédures de surendettement.
Comment la procédure de sauvegarde des entreprises s’applique-t-elle aux médecins ?
La Loi n° 2005-845 du 26 juillet dite de « sauvegarde des entreprises », s’applique à « toute personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale ». Les médecins libéraux peuvent donc bénéficier des procédures de redressement et de liquidation judicaires mais aussi des procédures préventives instaurées par la loi.
Cette Loi est entrée en vigueur début 2006. Ce sont les URSSAF qui les premières ont intenté des procédures contre les médecins, d’une part car elles étaient créancières de sommes importantes et d’autre part parce qu’elles avaient les moyens de coercition les plus importants. En Haute-Garonne, entre 2006 et 2010, 25 procédures ont été engagées et 9 faillites ont été déclarées.
Tous les médecins sont-ils concernés par la faillite de façon identique ?
Force est de constater que les médecins ne sont pas du tout formés, à l’université en tout cas, à la gestion en général : on ne leur donne que très peu de notions comptables et juridiques, voire pas du tout.
La plupart des médecins s’en sortent bien avec leur installation. De fait, lorsque leur activité est « normale », les actes cotés suffisent généralement pour faire face aux charges.
La faillite survient lorsque l’on ne peut plus faire face à son passif avec son actif disponible.Trois catégories de médecins sont à risque de sauvegarde ou de faillite : ceux qui se sont installés au mauvais endroit (désert médical et désert de population ou, à l’inverse, surmédicalisation), ceux qui doivent gérer un accident de la vie – maladie, divorce… – et, enfin, ceux qui souffrent de « phobie administrative » et qui, du fait d’un ego surdimensionné ou d’une mauvaise appréciation des obligations de la profession, croient pouvoir s’exonérer des charges auxquels sont soumis tous les médecins.
L’une des difficultés vient du fait que les charges professionnelles sont calculées sur l’exercice de l’année précédente, or en cas de baisse brutale d’activité, il est souvent difficile de faire face à des charges mal anticipées. En outre, le recours à des aides pour la gestion du cabinet – tels que des experts comptables – n’est pas encore systématique. Pourtant, les médecins doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas savoir tout faire…
Dans ces conditions, il est facile de perdre pied et ce d’autant plus que des créanciers tels que l’URSSAF imposent des pénalités qui deviennent rapidement très importantes (le montant au titre de pénalité étant parfois plus important que la dette principale).
Sur quelles procédures le médecin en difficulté peut-il s’appuyer ?
Des procédures préventives ont été instaurées par la Loi de Sauvegarde des Entreprises afin d’aider le débiteur à combler son passif avant la cessation de paiements. Ces procédures sont souvent mal vécues mais elles constituent une chance pour le professionnel en difficulté car elles mettent fin à la spirale de l’endettement en permettant notamment de suspendre les intérêts de retard et les majorations.
Si ces procédures sont mises en place, les créanciers ont un droit de priorité pour les crédits et les avances consentis postérieurement au jugement d’ouverture pour l’activité professionnelle de l’intéressé. Des remises de dettes peuvent être consenties par les administrations financières et non par les organismes sociaux.
Le premier des dispositifs est le « mandat » qui permet de prévenir un contentieux en cas de problèmes ponctuels. Le deuxième, la conciliation a pour but de « favoriser la conclusion entre le médecin et ses principaux créanciers d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise libérale ». La sauvegarde ensuite permet « la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ». Elle est destinée aux médecins qui éprouvent des difficultés qu’ils ne sont pas en mesure de surmonter et de nature à conduire à la cession des paiements. Après une période de 6 mois durant lesquels l’intéressé continue à gérer lui-même ses affaires, un plan de sauvegarde – qui peut aller jusqu’à 10 ans – peut être proposé lorsqu’il existe une possibilité sérieuse de redressement.
Quand parle-t-on de redressement ou de liquidation ?
Les procédures de redressement et de liquidation judiciaire prononcées par le TGI concernent le débiteur en état de cessation des paiements. Elles peuvent être demandées par le professionnel en difficulté ou par l’un de ses créanciers. Le redressement judiciaire doit permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise grâce à un plan de redressement d’une durée maximale de 10 ans. Le médecin peut être, à la demande du juge, assisté par un administrateur judiciaire.
La liquidation judiciaire concerne le professionnel en état de cessation des paiements et dont le « redressement est manifestement impossible ». Elle est destinée à « mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ». Dès le jugement, le débiteur est dessaisi de l’administration et de la gestion de ses biens. Le professionnel libéral ne peut, durant toute la procédure continuer à exercer son activité sauf à titre salarié.
Quel peut-être le rôle du Conseil de l’Ordre des Médecins ?
La commission d’entraide des conseils départementaux et du conseil national de l’Ordre des médecins a pour but d’« organiser toutes œuvres d’entraide au bénéfice de leurs membres et de leurs ayants droit ». Elle peut aussi orienter vers des associations d’aide aux professionnels de santé libéraux (MOTS, AAPML…).
L’Ordre des médecins est informé à toutes les étapes de la procédure. Il a une mission d’assistance au médecin en veillant au respect du secret professionnel.
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